Le 30 septembre de l’année dernière, il s’est passé quelque chose qui, pour moi, était presque inespéré.
Pour la toute première fois, le Canada instauré une journée en mémoire des enfants victimes et des survivants des pensionnats autochtones : la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.
Ce congé férié fédéral coïncide avec la Journée du chandail orange, créée par les Autochtones pour sensibiliser les gens à l’histoire tragique des pensionnats.
À l’occasion de la deuxième Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, beaucoup d’entreprises canadiennes – dont la TD – diffuseront des messages de soutien, communiqueront des ressources aux employés et témoigneront leur solidarité envers les organisations et les personnes autochtones.
Mais il n’en a pas toujours été ainsi.
Le commencement
Quand j’ai intégré la TD en 2015, j’étais ravie d’entamer une nouvelle aventure professionnelle. Ce travail allait me permettre d’acquérir de nouvelles compétences, mais ce que je ne savais pas, c’est qu’il me ferait vivre une autre aventure, à la défense des intérêts de la communauté autochtone, ma communauté.
En arrivant à la Banque, j’ai vécu un léger choc culturel. Avant, je n’avais jamais célébré l’Action de grâces ou la fête du Canada. Beaucoup de gens ne réalisent pas à quel point le calendrier s’articule autour des racines coloniales de notre société, et que de nombreux membres de la communauté autochtone ont un rapport négatif avec ces racines.
À l’inverse, quand il y avait des journées que je tenais à souligner compte tenu de ma culture et de ma communauté, elles n’étaient pas très connues, si bien qu’il était difficile pour moi de prendre congé sans puiser dans ma banque de vacances.
La Journée du chandail orange était l’une d’entre elles.
À l’époque, je pense qu’on peut dire que la plupart des Canadiens et Canadiennes en dehors de la communauté autochtone n’avaient jamais entendu parler de la Journée du chandail orange. Quand quelqu’un portait un chandail orange le dernier jour de septembre, c’était considéré ni plus ni moins comme un choix vestimentaire audacieux, certainement pas comme un hommage.
Devant cette méconnaissance, je me suis rendu compte qu’il y avait matière à informer mes amis et mes collègues sur ma communauté et ma culture. J’ai vu là une occasion de contribuer à éliminer les obstacles et de promouvoir l’inclusion et la compréhension pour les générations futures.
C’était beaucoup plus facile à dire qu’à faire, mais il était temps d’agir.
L’arrivée de la Journée du chandail orange à la Banque
J’ai commencé doucement. En premier lieu, il fallait que je trouve un cadre confortable où parler de ma culture au plus de gens possible. Quoi de mieux que la cafétéria de la TD à l’heure du dîner?
Après un arrêt rapide à l’imprimante, je me suis attablée avec une vingtaine de documents informatifs colorés, mes sculptures, mes fourrures et mes pierres, vêtue de mon chandail orange et prête à expliquer l’importance de la Journée du chandail orange pour la vérité et la réconciliation.
Pendant ma petite heure de dîner, j’ai pu parler à 10 à 15 personnes de ma culture et de l’importance de la Journée du chandail orange. Ce n’était pas énorme, mais c’était un bon début. À partir de là, je me suis mise à faire campagne pour inciter des collègues et des alliés de toute la Banque à participer à la Journée du chandail orange, en leur indiquant où ils pouvaient s’acheter un chandail.
En moins de deux, je me retrouvais à travailler avec un petit groupe de collègues issus des communautés autochtones en vue de sensibiliser les gens aux grands enjeux de notre culture et d’intégrer la Journée du chandail orange aux démarches de diversité et d’inclusion de la Banque.
Enfin, en 2017, les choses ont commencé à bouger considérablement à la Banque. Plusieurs secteurs d’activité à différents endroits du Canada ont pris l’initiative de participer au mouvement et de témoigner leur soutien et leur solidarité cette journée-là.
Les séquelles des pensionnats
Certaines personnes pourraient se questionner sur l’importance de la Journée du chandail orange dans une entreprise comme la TD. La réponse est simple : les pensionnats autochtones représentent une page de notre histoire commune, même si c’est une page désagréable. Dans la communauté autochtone, presque aucune famille n’a été épargnée par cet épisode honteux.
Ma famille vient du Nunatsiavut, la partie nord du Labrador. Beaucoup de gens pensent que les Inuits n’ont pas été touchés par les pensionnats. C’est faux. Ma grand-mère avait une très grande famille, et elle a eu sept enfants.
Tous ses enfants sauf deux ont été victimes des pensionnats.
C’est loin d’être un cas unique pour les familles autochtones. Nous avons tous des histoires de personnes arrachées à leur famille et disparues pour toujours. De survivants dont les blessures ne se refermeront jamais. Quant à ceux de la génération suivante, ils sont confrontés aux séquelles de ces pensionnats et, au lieu de grandir en baignant dans notre culture, se retrouvent à devoir ramasser les morceaux de ce qu’il en reste, sans quoi elle aussi disparaîtra.
Tous les ans, quand j’enfile mon chandail orange, je réfléchis à notre histoire, aux personnes qui ont souffert et aux difficultés que notre communauté vit encore.
J’ai pris l’habitude de porter, en plus du chandail, mes vêtements traditionnels. Mon bandeau et mes boucles d’oreille en peau de phoque, tout ce qui me rend forte et fière de ma culture.
Je prends nos quatre remèdes – sauge, foin d’odeur, tabac et cèdre – et, en famille, je vais au bord de l’eau. Là, on met ces remèdes dans l’eau en disant merci. Merci pour ce qu’on a et pour le chemin qu’on a parcouru. On prie pour nos ancêtres et pour les aînés qui souffrent encore, et on parle des séquelles subies par nos familles.
Cette deuxième Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est un pas énorme vers la rédemption de ce pays. Bien sûr, je sais que le chemin est encore long, surtout pour nos jeunes.
À cause des traces laissées par les pensionnats, les jeunes sont souvent déconnectés de leur culture. Ils ont grandi dans une société remplie d’obstacles, où ils ont dû se battre sans cesse contre le système pour se réaliser pleinement. C’est un défi de taille.
S’il y a une chose que j’encouragerais tous les Canadiens à faire ce 30 septembre, c’est de se rappeler que les séquelles des pensionnats sont toujours bien présentes. Ce n’est pas quelque chose qui appartient au passé. Nous avons le devoir d’aider la prochaine génération à guérir les blessures du passé et à fixer un nouveau cap pour notre communauté.
Pour en savoir plus sur l’engagement de la TD envers les communautés autochtones, visitez la page https://td.com/autochtone.