Privilégier la conception centrée sur la personne dans la création d’un bureau ou d’un espace de vente au détail, c’est adopter une mentalité novatrice de résolution de problèmes axée sur les destinataires du lieu, explique Yasmien Fadl.
« Nous créons des milieux permettant non seulement aux gens de s’y déplacer facilement, mais aussi de s’y sentir bien », explique-t-elle.
« Il s’agit en fait de répondre aux besoins et aux attentes des gens, et de voir comment ils utilisent leurs espaces. Avec la réflexion conceptuelle (design thinking), on peut résoudre n’importe quel problème d’affaires d’une meilleure façon qu’avec un cadre de gestion classique et rigide. La réflexion conceptuelle, c’est la clé de l’innovation. Elle permet de parvenir à des solutions beaucoup plus complètes et novatrices, qui bousculent le statu quo. »
Yasmien Fadl, qui a piloté la conception et la stratégie en matière d’expérience de TD Terrace – un gratte-ciel avant-gardiste de 47 étages –, a récemment été nommée au palmarès du Réseau des femmes exécutives recensant les 100 femmes les plus influentes du Canada.
« Nous avons tellement plus d’occasions et de potentiel [en tant que femmes] pour continuer à diriger et prendre encore plus de place, affirme-t-elle ».
« J’aime que l’on reconnaisse que certaines des contributions de mon équipe changent vraiment les choses. Chaque membre a été modelé par un vécu et une expérience qui lui sont propres, et qui donnent lieu à des préférences et à des besoins différents. Il est facile de succomber à ses préjugés et de négliger les besoins des autres parce qu’ils peuvent ne pas nous sembler pertinents à l’échelle individuelle. Mais aujourd’hui plus que jamais, il est impératif de lutter contre ces préjugés et de tout faire pour offrir des solutions flexibles permettant à nos espaces, nos produits et nos services de répondre à un maximum de besoins et de situations. Cette approche nous permet aussi de prendre conscience de nos angles morts et de gagner des points auprès des collègues et des clients de la TD. »
La liste des raisons invoquées par les collègues de Yasmien Fadl dans sa mise en candidature est longue, mais en tête de liste figure la manière dont elle utilise l’environnement physique pour créer une expérience inclusive qui répond aux besoins de toutes sortes de personnes, qu’elles travaillent à la TD ou qu’elles interagissent avec elle.
« Les lieux de travail de qualité sont axés sur le rendement et la productivité, mais aussi sur l’appartenance, le confort et l’aisance, précise-t-elle.
Créer de l’espace pour les gens, en particulier ceux qui sont souvent laissés pour compte ou peu considérés, est l’aspect le plus gratifiant de mon rôle. Je suis vraiment fière de ce que nous avons pu accomplir ici à la TD. »
Yasmien Fadl, employée de la Banque depuis 2017, a défendu une approche de la conception qui intègre des espaces inclusifs (salles de bien-être, salles de prière, salles d’allaitement, lieux réservés aux personnes neuroatypiques) à d’autres milieux pour aider les gens à se rassembler, à apprendre, à collaborer et à se ressourcer, le tout au même endroit.
« À n’importe quel poste, on veut laisser derrière soi un héritage montrant qu’on a fait tout ce qui était en son pouvoir pour n’oublier personne », déclare-t-elle.
Avant de travailler à la Banque, Yasmien Fad révèle qu’elle craignait que la culture soit descendante et repose sur une structure hiérarchique. C’était tout le contraire!
« C’est un environnement tellement organique que même des plus petites graines peuvent jaillir des idées, ajoute-t-elle. C’était plutôt libérateur. »
Originaire du Soudan, Yasmien Fadl est arrivée au Canada avec ses parents il y a 27 ans. Adulte, elle a vécu et travaillé aux Émirats arabes unis avant de revenir à Toronto, où elle vit avec son mari et ses trois enfants.
En dehors de son travail à la TD, elle préside le comité consultatif du programme Disrupting Design de JennAir, qui aide les designers noirs, autochtones et racisés à surmonter les difficultés institutionnelles et structurelles persistantes dans le monde du design.
« [Les défis] sont exactement les mêmes que lorsque j’étais à l’école, explique-t-elle. C’est très bien qu’on en parle maintenant, mais c’est rageant de voir qu’on n’a pas éliminé assez d’obstacles ces 20 dernières années ».
Yasmien Fadl encadre également les nouveaux arrivants, dont beaucoup s’adressent directement à elle pour obtenir des conseils sur la manière de percer dans le secteur du design sans avoir d’expérience au Canada.
« J’ai quitté le Canada et, à mon retour, les obstacles étaient nombreux. J’étais canadienne, j’avais un diplôme canadien, j’avais conçu plusieurs hôtels à Dubaï, j’avais un excellent portfolio, j’avais travaillé avec les meilleures entreprises, et pourtant, je me heurtais encore aux mêmes difficultés. Je venais donc d’immigrer de nouveau dans mon propre pays, et j’étais confrontée aux mêmes entraves inutiles que les personnes qui viennent s’installer ici », explique-t-elle.
« Nous devons donner un coup de pouce aux gens chaque fois que nous en avons l’occasion. »
À la TD, Yasmien Fadl dirige une équipe de 27 collègues à temps plein et employés contractuels, qui appliquent leur diversité de vécus et de points de vue à leur travail.
« Je voulais constituer une équipe qui ne soit pas seulement diversifiée en matière de genre, d’origine ethnique et d’aptitude, mais aussi en matière d’expérience », dit-elle.
Yasmien Fadl dirige son équipe selon une approche horizontale, c’est-à-dire que c’est l’idée la plus innovante qui est retenue, et non celle de la personne qui a le plus d’ancienneté.
Elle dit être motivée par la portée de son poste et la possibilité d’améliorer fondamentalement la vie des collègues et des clients de la TD.
« Il y a des êtres humains qui ont des besoins, des désirs et des envies, auxquels nous devrions répondre, idéalement avant même qu’ils soient formulés. »
Si elle pouvait donner un conseil à la jeune Yasmien, elle lui dirait probablement de ne pas rester à un poste qui ne lui permet pas de s’exprimer et où elle ne se sent pas valorisée.
Issue d’une famille d’immigrés, Yasmien Fadl explique qu’il est parfois difficile d’oser s’exprimer.
« C’est assurément ce que je dirais à la jeune Yasmien : s’ils ne veulent pas de ton avis, il y a plein d’autres endroits qui le veulent. »