Je m’appelle Christopher Arnold, je suis membre de la bande Nak’azdli de la Première Nation Dakelh et j’habite à Fort St. James, en Colombie-Britannique.
Et je suis une personne bispirituelle.
J’ai su très jeune que je faisais partie de la communauté 2SLGBTQ+. J’ai fait mon coming out à l’âge de 20 ans et, il y a quatre ans encore, je me considérais comme un homme gai.
Mais j’ai toujours éprouvé quelque chose d’un peu différent.
Il y avait beaucoup d’aspects me concernant qui ne cadraient pas avec la définition sociétale traditionnelle de l’homme gai. Mes goûts relevaient des champs d’intérêt traditionnels masculins et féminins. Et même si ce n’est pas ça qui définit une personne – chacun peut faire ce qu’il lui plaît –, pour ma part, plus je me découvrais et je m’adonnais à cette diversité de passe-temps, plus je me rendais compte que mon identité était plus complexe que je le pensais.
J’ai commencé à faire mes propres recherches sur le vécu des membres de la communauté 2SLGBTQ+ : j’ai consulté différents comptes (d’influenceurs, entre autres) sur les médias sociaux et j’ai parlé à des aînés de ma communauté pour en savoir plus sur le « 2S » du sigle 2SLGBTQ+.
Dès mon plus jeune âge, ma mère m’a inculqué les valeurs de notre culture. Parmi ses innombrables leçons et conseils, elle m’a appris que nos aînés avaient plus de connaissances que n’importe qui d’autre dans la communauté : ils sont les gardiens du savoir, notre lien avec le passé, nos enseignants, nos guérisseurs et nos conseillers. Et que je pouvais me tourner vers eux pour obtenir de l’aide.
Peu de temps après, j’ai commencé à recevoir des traitements de guérison donnés par des aînés de la communauté. C’est à ce moment-là qu’on m’a parlé de bispiritualité.
J’ai eu un véritable déclic : j’ai su tout à coup que j’étais – que je suis – une personne bispirituelle.
Qu’est-ce que la bispiritualité?
Certaines personnes se définissent comme non binaires, c’est-à-dire qu’elles ne se sentent ni de genre féminin ni de genre masculin. Plusieurs personnes bispirituelles de la communauté autochtone, quant à elles, sentent dans leur corps la présence simultanée de l’esprit masculin et de l’esprit féminin.
Voici comment je le décrirais : c’est avoir en soi deux présences distinctes qui font surface à des moments différents selon ce qu’on fait, comment on se sent et ce dont on a besoin.
Traditionnellement, dans la communauté autochtone, les personnes bispirituelles ont presque un caractère sacré. Elles sont célébrées, leur expression de genre est acceptée, et elles sont considérées comme des guérisseuses. Quand j’ai découvert que j’étais une personne bispirituelle, j’ai aussi appris de la part d’un aîné que j’étais une personne guérisseuse. Être bispirituel, c’est avoir reçu du Créateur le don de voir le monde et la vie à travers deux prismes : celui de l’homme et celui de la femme.
Cette faculté nous permet d’apprécier certaines choses et de voir la beauté du monde différemment. Nous avons ainsi une perspective atypique qui peut nous aider à jouer un rôle de médiation entre deux parties qui ne se comprennent pas, car nous, nous comprenons le point de vue de chacune.
C’est la raison pour laquelle nous occupons généralement des fonctions respectées : guérisseur, shaman, maître de cérémonie, entremetteur, conseiller, docteur, fabricant de remèdes, joueur de tambour et danseur de cerceau, entre autres.
Poursuivre le mouvement en faveur de la diversité et de l’inclusion : un devoir
En tant que membre de la communauté autochtone et de la communauté 2SLGBTQ+, j’estime que j’ai le devoir et le privilège de pouvoir m’exprimer au nom des deux. J’ai un vécu et un point de vue hors du commun que je peux transmettre aux autres et, je l’espère, susciter des changements judicieux et favoriser l’intersection et l’inclusion pour les deux communautés.
Un changement judicieux, c’est un changement réfléchi. Exemple : le fait que la TD ait remplacé LGBTQ2+ par 2SLGBTQ+, un sigle plus inclusif.
Quand j’ai appris ça, j’ai ressenti une certaine émotion. Tout à coup, on me prenait en compte.
Pour beaucoup de gens, la bispiritualité n’est pas aussi connue que les autres identités. Dans certaines versions du sigle, il n’y a pas de « 2 ». Nous rentrons simplement dans la catégorie « + ».
En adoptant le sigle où la bispiritualité (« 2S ») est à l’avant, la TD fait preuve d’une incroyable solidarité envers la communauté autochtone et la communauté 2SLGBTQ+. C’est aussi selon moi un véritable tournant pour la communauté autochtone, et une étape importante dans la démarche de vérité et de réconciliation.
C’est un moyen très simple mais très efficace de reconnaître que les personnes bispirituelles et les communautés autochtones étaient les premières à prendre soin de cette terre, et que ces identités sont célébrées depuis des centaines d’années.
Je souhaite que mes collègues suivent aussi cette évolution et s’en servent pour amorcer le dialogue. Ils peuvent ainsi permettre aux gens de découvrir cette communauté qui, croyez-moi, se sent minoritaire au sein d’une minorité.
J’invite les personnes qui m’entourent à jouer un rôle d’allié en affichant leurs pronoms, en faisant preuve de curiosité, en continuant à apprendre et à poser des questions, mais surtout, en étant authentiques.
J’espère également qu’elles essaieront véritablement de poursuivre leur démarche d’apprentissage personnel et de favoriser l’authenticité des rapports entre collègues.
La TD évolue sans cesse, et j’espère qu’en racontant mon histoire, je peux l’aider à poursuivre dans cette voie. Plus nous sommes visibles et sous les projecteurs, plus les autres peuvent l’être.