Le marché canadien de l’habitation est à nouveau un marché favorable aux vendeurs; c’est du moins ainsi que l’économiste à la TD Rishi Sondhi le décrit à l’heure actuelle.
Rishi Sondhi affirme que la preuve réside dans la recherche des Services économiques TD : en avril, les ventes d’habitations existantes ont augmenté pour atteindre leur niveau le plus élevé depuis juin de l’année dernière. Les prix ont augmenté en avril, de 6 % d’un mois à l’autre, tandis que l’offre d’habitations à vendre n’a pas suivi le rythme de la demande, le nombre de nouvelles inscriptions demeurant faible.
Par conséquent, la concurrence pour les habitations à vendre est plus forte, les prix sont en hausse et le nombre d’habitations sur le marché reste bien en deçà des normes historiques. La combinaison de ces facteurs crée un marché qui favorise les vendeurs au détriment des acheteurs, selon Rishi Sondhi.
« On pourrait s’attendre à une augmentation plus importante des inscriptions, étant donné que la demande et les prix se redressent avec autant de force, mais ce n’est pas la tendance pour l’instant », mentionne Rishi Sondhi.
Pour mieux comprendre les facteurs qui contribuent à favoriser les vendeurs sur le marché actuel, Actualités TD s’est plongé dans l’univers de l’immobilier avec Rishi Sondhi, qui a répondu à certaines des questions les plus pressantes sur l’habitation.
Comment expliquer la faiblesse de l’offre d’habitations à vendre sur le marché canadien de l’habitation?
Rishi Sondhi souligne tout d’abord qu’en raison de certains facteurs du contexte actuel, les propriétaires ne sont pas contraints de vendre leur habitation, ce que l’on appelle la vente forcée. Ces facteurs comprennent un marché de l’emploi solide et la possibilité pour certains propriétaires canadiens de prolonger l’amortissement de leur prêt hypothécaire dans un contexte de taux d’intérêt élevés. Par exemple, certaines personnes ayant un prêt hypothécaire à taux variable et qui ont vu leur taux d’intérêt augmenter pourraient être en mesure de prolonger la durée de leur prêt hypothécaire, et ce, afin de continuer à effectuer leurs paiements habituels.
Selon Rishi Sondhi, les investisseurs qui possèdent des immeubles locatifs les conservent également et choisissent de ne pas les vendre parce que le marché locatif reste solide. Les délais de construction s’allongent pour tous les types d’habitations, de sorte qu’il faut plus de temps pour que les nouvelles habitations arrivent sur le marché, ce qui ralentit encore le nombre d’habitations à vendre.
Selon Rishi Sondhi, l’offre pourrait également être influencée par un facteur psychologique à court terme, certains propriétaires gardant un œil sur le marché avant de décider de vendre ou non, notamment les vendeurs potentiels qui espèrent une hausse prononcée du marché avant d’envisager de mettre leur maison à vendre.
« Le marché se corrige depuis longtemps », explique Rishi Sondhi.
« Certains vendeurs potentiels pourraient avoir besoin de plus de temps pour voir si le marché rebondit avant de mettre leur habitation en vente. Les vendeurs peuvent également avoir vu les prix de vente de l’année dernière et attendre de voir si les prix reviennent à ces niveaux avant de mettre leur habitation en vente. »
Un autre facteur pouvant peser sur l’offre est le fait que l’achat d’une habitation à valeur plus élevée est entravé par un contexte d’abordabilité difficile. Par exemple, les personnes qui souhaitent déménager dans des maisons plus grandes (et plus dispendieuses) peuvent attendre qu’il soit plus abordable de le faire, ce qui pourrait signifier que ces candidats au déménagement restent plus longtemps dans leur habitation.
Le taux d’intérêt de la Banque du Canada est en hausse. Par curiosité : comment les taux hypothécaires influencent-ils les prix de l’habitation?
Les taux hypothécaires et les prix de l’habitation sont généralement inversement liés. En général, lorsque les taux hypothécaires augmentent, les prix des habitations diminuent.
Toutefois, explique Rishi Sondhi, il importe de se rappeler que les taux hypothécaires ne constituent pas le seul facteur susceptible d’influer sur le prix de l’habitation. L’état du marché de l’emploi, la croissance de la population et l’offre d’habitations ont aussi une incidence.
Au premier trimestre de 2022, les taux hypothécaires et les prix des habitations ont augmenté en même temps.
« Si l’on remonte au début de la pandémie, il y a eu tout le phénomène de recherche de grands espaces », indique Rishi Sondhi, expliquant la tendance qui s’est manifestée lorsque les citadins de nombreuses villes canadiennes ont commencé à chercher des maisons unifamiliales pendant la pandémie. Cette tendance a atteint son apogée au début de l’année 2022.
En guise de mesure d’urgence, la Banque du Canada a réduit les taux d’intérêt, ce qui a entraîné une baisse des taux hypothécaires en 2020 et 2021. Le gouvernement fédéral a également mis en place des mesures temporaires pour aider les Canadiens à rester à flot financièrement. Associés à une forte demande, ces facteurs ont fait grimper le prix des habitations.
En réponse aux pressions inflationnistes, la Banque du Canada a commencé à augmenter les taux d’intérêt au début de l’année 2022, ce qui a entraîné une hausse des taux hypothécaires, déclare Rishi Sondhi.
« Les prix de l’habitation et les taux hypothécaires ont augmenté en même temps au premier trimestre de l’année dernière, les prix ayant été soutenus par une demande élevée. »
Le début de l’année 2022 a-t-il été la période la plus inabordable de l’histoire du marché canadien de l’habitation?
Pas selon Rishi Sondhi. En fait, il s’agit de la deuxième période la plus inabordable de l’histoire du marché canadien de l’habitation. Le triste honneur de la période la moins abordable jamais enregistrée revient au début de l’année 1989, juste avant l’effondrement du marché de l’habitation.
Étant donné la hausse actuelle des prix des habitations, Rishi Sondhi estime qu’il est probable que le deuxième trimestre de la présente année dépasse, sur le plan de l’inabordabilité, le pic survenu pendant la pandémie, au premier trimestre de 2022.
Qu’est-ce qui pourrait contribuer à améliorer l’abordabilité au Canada?
« L’abordabilité peut être influencée de trois manières : les prix, les taux d’intérêt et le revenu », explique Rishi Sondhi.
Le Canada semble entrer dans une période de faible croissance dans les mois qui viennent, de sorte qu’il pourrait être difficile d’accroître le revenu des ménages au-delà des niveaux déjà atteints, ajoute Rishi Sondhi.
« La réponse, à défaut de stimuler la croissance du revenu, est que l’offre d’habitations doit augmenter. »
Cet enjeu est d’autant plus pertinent que l’on s’attend à une augmentation de l’immigration au Canada.
Selon Rishi Sondhi, une augmentation de l’offre permettrait de réduire l’appréciation des prix, ce qui favoriserait à tout le moins un rattrapage du côté des revenus.