Selon les Services économiques TD, la Réserve fédérale américaine (la « Fed ») semble prête à réduire le taux du financement à un jour le 18 septembre pour la première fois en quatre ans, ce qui procurerait un soulagement bien nécessaire aux futurs propriétaires aux États-Unis. Beaucoup pensent que la banque centrale américaine prépare la première de ce qui devrait être une série de baisses du taux des fonds fédéraux, soit le taux d’intérêt utilisé pour le financement interbancaire à un jour.
La Fed a le double mandat de promouvoir la stabilité des prix et le plein emploi. Maintenant que la Fed a de bonnes raisons de croire que l’inflation se stabilisera près de la cible de 2 %, elle accorde plus d’attention au ralentissement du marché du travail afin d’aider à faire atterrir l’économie en douceur, selon Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef de la TD.
Mme Caranci déclare que cette baisse de taux devrait entraîner d’autres baisses, jusqu’à 250 points de base sur 15 mois, ce qui ramènerait le taux à un jour aux États-Unis à 3,00 % d’ici à la fin de 2025.
Toutefois, elle estime que le rythme des baisses de taux sera ultimement déterminé par la tenue du marché du travail aux États-Unis.
« Tout signe de détérioration accélérée des conditions du marché du travail pourrait déclencher un cycle de réduction des taux plus rapide, avec des baisses plus importantes s’élevant à 50 points de base », déclare-t-elle.
« D’un autre côté, nous ne pouvons pas ignorer le fait que l’économie américaine a régulièrement surpris à la hausse depuis un an, de sorte que les risques ne sont pas unilatéraux. Nous pourrions également nous retrouver avec une dynamique d’inflation plus résistante et plus solide, en particulier dans le secteur des services où la demande tend à se maintenir plus longtemps. »
Pourquoi la Fed envisage-t-elle de réduire les taux d’intérêt?
Beata Caranci souligne que, si la date de cette première baisse de taux semble coulée dans le béton, il n’y a pas de chemin tout tracé vers la ligne d’arrivée.
Elle évoque, à titre d’exemple, le premier trimestre de cette année, lorsque la banque centrale américaine était à peine disposée à envisager des baisses de taux en raison d’un regain de l’inflation et d’un marché du travail inébranlable. La Fed a constamment repoussé le moment et l’ampleur des trois réductions qui étaient prévues avant la fin de l’année jusqu’à en garder une seule dans son résumé des projections économiques de juin.
Mais les choses ont finalement changé. L’inflation a commencé à reculer au cours de l’été et l’inflation de base des dépenses personnelles de consommation s’est établie à un taux rassurant de 2,6 % sur 12 mois. Cette tendance est restée favorable, puisque le rythme annualisé sur trois mois se maintient aux alentours de 2 %. Les attentes des consommateurs américains à l’égard de l’inflation sont elles aussi revenues à ce qu’elles étaient avant la pandémie, selon Mme Caranci.
Il n’est donc pas surprenant que cette tendance soit en partie liée à une hausse du taux de chômage à 4,2 % aux États-Unis, ce qui est bien supérieur au creux de 3,4 % enregistré après la pandémie. Contrairement aux cycles économiques précédents, cette hausse a été fortement influencée par une augmentation du nombre de personnes entrant sur le marché du travail plutôt que par des pertes d’emploi et des licenciements temporaires. Toutefois, si cette situation donne du temps à la Fed, elle ne lui accorde pas de répit. Selon Beata Caranci, la Fed doit se montrer prudente en ce qui concerne les comportements des entreprises.
« L’inertie peut accompagner les embauches, ce qui les rend difficiles à infléchir une fois qu’une tendance à la baisse s’est installée. »
Que signifierait une baisse de taux pour les acheteurs de propriétés aux États-Unis?
Le marché du logement américain a considérablement évolué depuis la pandémie. Après avoir atteint un niveau d’accession à la propriété sans précédent dans le sillage de la crise, le marché actuel témoigne d’une détérioration de l’abordabilité inégalée depuis plus de 20 ans.
« Cette situation résulte d’un resserrement de l’offre lié à la réticence des propriétaires à mettre leur propriété en vente, parallèlement à un recul de la construction de nouvelles habitations. Ces deux dynamiques ont été aggravées par un contexte de taux hypothécaires élevés, et aucune région aux États-Unis n’a pu y échapper », explique Beata Caranci.
« Cette situation n’est toutefois pas irréversible. Un rajustement modéré à la baisse des taux d’intérêt, combiné à une hausse continue des revenus, pourrait ramener l’abordabilité à l’échelle nationale à des niveaux acceptables d’ici trois ans. »
Qu’est-ce qu’une réduction de la Fed pourrait signifier pour le Canada?
« En apparence, peu de choses, mais cela permettrait enfin aux principales banques centrales de synchroniser leurs cycles monétaires à l’échelle mondiale », croit Beata Caranci.
« Cette situation contribuerait à stabiliser les taux obligataires sur l’ensemble de la courbe et pourrait atténuer la pression à la baisse sur le huard en limitant l’écart de taux entre la Banque du Canada et son homologue américaine. »
D’après Beata Caranci, il y a moins d’ambiguïté quant à l’orientation future de la Banque du Canada. Elle a déjà procédé à trois réductions de 25 points de base et la voie à suivre est toute tracée. Le Canada n’a pas eu le luxe d’attendre une baisse de taux, puisque l’économie nationale a évité de justesse une récession technique en 2023. Les ménages étant plus endettés et plus sensibles aux taux d’intérêt au Canada, la pression exercée sur la Banque du Canada est plus forte pour qu’elle réussisse un atterrissage en douceur.
Les Services économiques TD estiment que le taux directeur actuel est de 100 à 200 points de base supérieur à ce qu’il devrait être en fonction de la conjoncture économique. Cela signifie que la Banque du Canada, à l’instar de la Fed, devra continuer à réduire les taux à chaque réunion, portant ainsi le taux directeur à 3,75 % d’ici la fin de cette année et probablement à 2,50 % d’ici la fin de 2025.