Le choix d’une transition vers l’énergie propre représente une occasion économique de redéfinir et de redynamiser le secteur canadien de l’énergie et offre le potentiel d’aider ce secteur à se positionner comme un chef de file concurrentiel à l’échelle mondiale.
Toutefois, cette transition comportera son lot de défis selon un nouveau rapport de recherche des Services économiques TD.
La transition du Canada vers une économie à faibles émissions de carbone pourrait entraîner la suppression des emplois des trois quarts des travailleurs du secteur du pétrole et du gaz au cours des 30 prochaines années selon le rapport intitulé « Ne laissons pas l’histoire se répéter – Comprendre la transition du secteur canadien de l’énergie et son impact sur les travailleurs ».
La récente mise à jour du plan de lutte contre les changements climatiques du gouvernement fédéral témoigne de l’urgence d’agir en établissant une nouvelle cible ambitieuse de réduction des émissions au cours des trois prochaines décennies. Le rapport explique comment cet engagement causera le délaissement des combustibles fossiles, leur consommation devant diminuer de 40 à 50 % en Amérique du Nord. Ainsi, environ de 312 000 à 450 000 emplois devront être supprimés, directement ou indirectement, car la production diminue parallèlement à la demande.
Afin d’atténuer les conséquences économiques et sociales négatives imprévues, le rapport recommande aux décideurs canadiens de mettre en œuvre trois initiatives de grande envergure, notamment la création d’un nouveau cadre de transition pour le perfectionnement et la formation des travailleurs touchés, des investissements dans les technologies propres dans les collectivités concernées et de nouveaux programmes de soutien du revenu, en particulier pour les travailleurs plus âgés.
« En réalité, toute politique sur les changements climatiques doit composer avec la dépendance actuelle du Canada aux segments à forte intensité de carbone dans le secteur de l’énergie, en particulier le pétrole et le gaz », déclare Beata Caranci, première vice-présidente et économiste en chef, Groupe Banque TD.
« Mais, si nous prenons des mesures dès maintenant, nous pouvons accélérer la transition de notre économie, ainsi que nos investissements dans les technologies propres et la transformation des compétences de travailleurs des secteurs du pétrole et du gaz en vue de créer un vibrant avenir, garante de prospérité tant pour l’environnement que l’économie canadienne. »
Le rapport note que le secteur énergétique canadien est déjà bien positionné pour mener le mouvement de transition, étant donné sa grande expérience en matière de développement d’infrastructures, d’exécution de grands projets, de gouvernance, d’élaboration de politiques et d’investissements sur les marchés financiers.
« Même si bon nombre des travailleurs licenciés devraient trouver un emploi dans le secteur de l’énergie propre, il ne faut pas présumer que la transition permettra d’absorber l’ensemble de ces travailleurs », explique Beata Caranci.
« La création de nouveaux emplois est susceptible de se produire dans d’autres secteurs et lieux géographiques que ceux où les emplois seront perdus. Si les politiques du gouvernement ne suffisent pas à aider les travailleurs pendant cette transition, il en résultera une plus grande érosion des emplois à revenu moyen, ce qui nourrira les inégalités », ajoute-t-elle.
Les effets de la transition ne se feront pas sentir de façon égale
Même si les effets d’une transition vers l’énergie propre devraient se faire sentir à l’échelle du Canada, le rapport explique que les coûts d’une telle transition ne se feront pas sentir de façon égale.
Selon le rapport, l’Alberta, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador comptent pour près des deux tiers de l’emploi dans les secteurs des mines, du pétrole et du gaz, les trois provinces étant responsables de 97 % de la production totale de pétrole brut et des deux tiers de la production totale de gaz naturel au pays.
Même si l’extraction pétrolière et gazière ne représente que 1,5 % de la population active à l’échelle nationale, dans des régions comme Fort McMurray ou Cold Lake, en Alberta, cette part peut atteindre de 25 % à 30 %, selon le recensement de 2016 de Statistique Canada.
« Les petites villes fortement exposées aux secteurs à fortes émissions de carbone subiront beaucoup plus l’impact économique de la transition énergétique que les régions plus grandes, plus diversifiées et plus axées sur les services ailleurs au pays », explique-t-on dans le rapport.
« Puisque ces villes ont également tendance à dépendre davantage d’un seul secteur ou d’un seul employeur comme principale source de revenus, les répercussions en aval de la transition vers l’énergie propre seront beaucoup plus dévastatrices. »
Répéter les erreurs du passé
Le rapport explique que l’ampleur même des pertes d’emploi évoque le déclin du secteur manufacturier au Canada et aux États-Unis entre les années 1990 et le début des années 2000, l’automatisation généralisée du travail des travailleurs moyennement qualifiés à revenu moyen ayant entraîné leur licenciement, ce qui a eu des conséquences économiques qui se font encore sentir aujourd’hui.
« Dans l’ensemble, l’expérience au Canada n’a pas été aussi prononcée que celle au sud de la frontière, en partie parce que les emplois du secteur de l’énergie ont contribué à compenser la perte d’emplois à revenu moyen », déclare Beata Caranci.
Le rapport explique que le secteur de l’énergie a toujours joué un rôle essentiel dans le progrès social et économique du Canada, et qu’il incombe au gouvernement et aux décideurs d’établir un cadre de transition pour aider les travailleurs qui font face à un licenciement et s’assurer qu’ils ne joignent pas de façon permanente le rang des chômeurs ou des sous-employés.
Le rapport recommande d’inclure trois principaux éléments au cadre stratégique de transition équitable :
- Un cadre remanié de recyclage professionnel et de perfectionnement des compétences qui est complémentaire à l’Allocation canadienne pour la formation et qui est développé avec le secteur et les fournisseurs de services de formation pour déterminer et documenter les catégories de compétences requises dans le secteur de l’énergie propre.
- Dans la mesure du possible, un accent mis sur les infrastructures et le développement d’énergie propre au sein des mêmes régions qui seront les plus touchées par la transition énergétique.
- De vastes mesures de soutien au revenu qui peuvent compenser en partie les pertes de revenu imputables aux licenciements, y compris des mesures de soutien particulières pour les travailleurs âgés, par exemple des subventions de raccordement de retraite.
Vers une « transition équitable »
Le rapport recommande également que les politiques disparates du Canada liées au recyclage professionnel et au perfectionnement des compétences soient complètement revues pour que les travailleurs n’aient plus à naviguer dans un réseau complexe de programmes peu harmonisés offerts par une multitude d’organismes.
« La première étape pour repenser le cadre de recyclage professionnel de notre pays consiste à établir une taxonomie des compétences qui seront nécessaires dans l’ensemble du secteur de l’énergie propre, et ce, en tenant compte de l’avis du secteur; viendra ensuite la refonte fort nécessaire qui simplifiera la mise en œuvre des programmes et veillera à ce que ceux-ci correspondent aux besoins des entreprises », lit-on dans le rapport.
Toujours selon le rapport, la transition vers l’énergie propre représente une formidable occasion économique et sociétale de redéfinir et de raviver le secteur canadien de l’énergie comme un acteur concurrentiel à l’échelle mondiale dans un monde carboneutre.
« Toutefois, à défaut d’assurer une transition équitable pour les travailleurs, nous risquons de répéter les erreurs du passé, selon lesquelles les travailleurs touchés par les changements structurels de l’économie sont sous-estimés et ignorés, entraînant des tensions économiques et sociales à long terme ».
Pour lire le rapport au complet, visitez le site Services économiques TD ici.