Lorsque j’avais six ans, ma mère m’a coupé les cheveux très courts pour éviter les poux dans le camp de réfugiés où ma famille a vécu juste avant que nous déménagions au Canada comme réfugiés politiques vietnamiens. Puisque j’avais aussi un nom vietnamien que personne ne pouvait prononcer, mon principal problème à l’école que je fréquentais à Aylmer, au Québec, où j’ai grandi, était que personne ne savait a priori si j’étais un garçon ou une fille.
Mon père m’a nommé Ngoc Uyen. « Ngoc » signifie précieux ou joyau en vietnamien et « Uyen » signifie sagesse ou connaissance. Mon nom signifie donc la valeur de la sagesse. Mon père, un bouddhiste, a longuement réfléchi pour créer une harmonie entre mon prénom et mon deuxième prénom. Il croyait que ce nom m’aiderait à acquérir une précieuse sagesse dans ma vie.
Lorsque nous sommes arrivés au Canada, mon prénom, Ngoc, a été omis accidentellement de la plupart des papiers requis des nouveaux réfugiés et des formulaires scolaires. Nouvellement arrivés au Canada, mes parents ne savaient pas où indiquer le prénom, le deuxième prénom et le nom de famille. Dans la tradition vietnamienne, vous recevez deux noms, le premier renforce le second, et c’est ainsi que l’on vous appelle. Ngoc Uyen Vo est devenu Uyen Vo et j’ai ainsi perdu une partie de mon identité.
Dans mon enfance, j’étais la seule fille asiatique à mon école et personne ne pouvait prononcer correctement mon nom en anglais. Pourtant, ce n’est que l’année dernière, lorsque les attaques à l’endroit des Canadiens d’origine asiatique sont devenues plus fréquentes en raison de la hausse du racisme envers les Asiatiques entraînée par la pandémie de COVID-19, que j’ai eu peur de sortir en public pour la première fois de ma vie.
Après avoir lu des reportages sur des personnes d’origine asiatique s’étant fait attaquer dans des lieux publics – et malgré le fait que j’ai vécu dans ma localité de Gatineau, au Québec, pendant la majeure partie de ma vie et que je m’y sois toujours sentie en sécurité – j’ai commencé à craindre d’être attaquée à l’épicerie, qu’on me crie après dans la rue et d’être à mon tour victime du racisme anti-asiatique.
Après avoir exprimé cette peur à quelques proches, j’ai senti un changement s’opérer en moi.
Utiliser mon nom ethnique
Alors que de plus en plus de ces attaques étaient médiatisées, j’ai voulu passer par-dessus ma timidité et prendre position contre ces actes et d’autres formes de racisme. Je voulais être une alliée et j’ai décidé de commencer avec mon propre nom.
Mon nom est mon identité. Il est important que les gens fassent un effort pour l’apprendre et le dire correctement.
La première chose que j’ai faite a été d’ajouter la prononciation de mon nom à ma signature de courriel au travail. Avant, j’étais trop gênée pour corriger les gens lorsqu’ils se trompaient en prononçant mon nom, ce qui arrivait souvent. J’ai ajouté une façon phonétique à consonance anglophone de le dire. La langue vietnamienne est très différente de l’anglais. J’ai donc légèrement modifié la prononciation de mon deuxième prénom (Uyen) pour la rendre par « win » en anglais, ce qui est plus facile à dire pour la plupart des gens.
Bien que, ce faisant, je sortais de ma zone de confort, j’ai senti que la culture et le milieu inclusif à la TD m’appuyaient dans ma décision. Lorsque j’ai appris qu’on réalisait une vidéo destinée aux employés de la TD, mettant en vedette certains de nos collègues qui parlent de leur décision de commencer à utiliser leur vrai nom ethnique ou qui racontent des histoires sur leur nom, j’ai su que je voulais en faire partie.
J’ai su que je voulais raconter l’histoire derrière mon nom, le nom auquel mon père avait si longuement réfléchi.
J’étais nerveuse à l’idée de prendre part à la vidéo. En raison de ma culture, j’ai l’habitude de ne pas exprimer plusieurs de mes points de vue et de parler doucement, mais c’était important pour moi. Mon nom est important pour moi. Il représente qui je suis. Le fait de le prononcer correctement est un signe de respect et d’inclusion.
Sortir de ma zone de confort
La vidéo a été publiée à l’interne et peut être vue par des milliers de collègues. C’était la première fois que presque tous mes collègues – même ceux avec qui je travaille étroitement – entendaient mon nom prononcé de la bonne façon.
Ma participation à cette vidéo est un grand pas et me fait sentir vulnérable. Je ne l’ai pas encore annoncée à mes parents. Ils ne savent pas non plus que j’insiste pour que les gens utilisent mon nom exact, mais j’ai réalisé qu’il s’agissait d’une façon simple pour moi d’être une meilleure alliée dans la création d’une culture plus inclusive.
Rien de tout cela n’aurait été possible pour moi si je ne m’étais pas sentie appuyée par la culture inclusive et diversifiée de la TD. Je suis reconnaissante de cette occasion d’être courageuse, de sortir de ma zone de confort et de prendre davantage la place qui me revient pour le bien de tous, sans égard à la race ou à l’ethnicité.
Aujourd’hui, je suis une alliée par mon nom et par mes gestes.