La première fois que j’ai vu un drapeau de la Fierté, c’était dans un magazine que mon ami m’avait donné avec la photo de Michael Jackson en page couverture. J’avais 16 ans.
Comme j’ai grandi en Iran, je ne parlais pas anglais, et ne comprenais pas un mot de l’article. Mais, j’ai observé la photo d’une foule qui protestait, et j’ai vu pour la première fois le mot « gai » et le drapeau de la Fierté.
Ces couleurs vibrantes que je voyais pour la première fois m’ont rempli d’un espoir inexplicable. Fasciné, j’ai déchiré la page du magazine avec l’image et je l’ai cachée dans mon portefeuille pour que personne ne puisse la voir.
J’ai grandi à Shiraz, en Iran, et mon enfance a été marquée par la guerre Iran-Irak. Plusieurs de mes premiers souvenirs sont liés aux conflits, à la religion, aux préjugés et à la peur. Les années suivant la révolution iranienne, mon pays a été très conservateur. Il était honteux pour un homme de porter un t-shirt en public.
Les homosexuels en Iran pouvaient être emprisonnés ou exécutés.
À l’âge de 18 ans, j’ai été intimidé et battu par mes camarades de classe, et j’ai caché mes blessures à ma famille, car elle ne savait pas que j’étais gai. Éventuellement, même les membres de ma famille ont commencé à être hostiles à mon égard en raison de mon orientation sexuelle. Ils avaient de la difficulté à accepter que je sois gai.
En plus des agressions physiques et verbales, je me sentais déchiré et me questionnais sur mon identité. J’ai été élevé dans la religion et j’avais de la difficulté à accepter cette partie de moi; je me sentais dépassé par la critique et l’abus constants à mon égard.
Sans espoir en l’avenir, j’ai tenté de mettre fin à mes jours.
Mais j’ai survécu. Le matin suivant ma tentative de suicide, je me suis réveillé en me disant qu’à compter de maintenant, ma survie n’allait dépendre que de moi.
Durant ces temps difficiles, je me suis souvent tourné vers cette image cachée du drapeau de la Fierté. Ça me réconfortait de savoir que dans certains endroits ce drapeau et des gens comme moi étaient acceptés. Le drapeau est devenu un symbole d’espoir qui transcendait la langue et l’endroit.
Les couleurs de l’espoir
Après ma formation universitaire, j’ai obtenu un poste au bureau central d’une grande banque. Petit à petit, j’ai construit ma vie sans dépendre de ma famille. J’ai acheté un condo, puis rencontré mon partenaire en ligne, qui a ensuite emménagé chez moi.
De l’extérieur, nous n’étions que colocataires, et la pression exercée par la famille et les collègues pour vivre une vie normale était telle que j’ai brièvement été fiancé avec une collègue de travail.
Je ne pouvais pas échapper au regard de mon entourage. Les gens se demandaient pourquoi je vivais encore avec mon colocataire. Quand la famille de mon copain a été au courant de notre relation, j’ai été pris de panique, comme d’anciennes mémoires de mon passé qui refaisaient surface. Ç’a été déchirant pour nous deux.
Cette situation m’a encouragé à prendre une grande décision en juin 2010, soit de quitter l’Iran pour refaire ma vie ailleurs. En un mois, j’ai vendu ma voiture et mon condo. J’ai dit au revoir à mes amis. Mon père me croyait fou, mais ma mère m’a dit de partir, car elle savait que je n’étais pas en sécurité dans ce pays. Elle m’a dit que tant que j’étais en vie et heureux, elle serait en paix.
Après nos adieux, mon partenaire et moi sommes partis pour Ankara en Turquie et avons demandé un statut de réfugié auprès des Nations Unies. J’avais 30 ans et tout ce que je possédais se trouvait dans deux valises. Elles contenaient des vêtements, des photos de famille et mon diplôme.
Et dans mon portefeuille se trouvait toujours l’image du drapeau de la Fierté.
Obtenir un statut de réfugié de l’ONU
Durant l’année et demie qui a suivi, nous avons fait une demande de statut de réfugié auprès de l’ONU et l’avons obtenue. J’ai eu beaucoup de peine de quitter officiellement mon pays, mais j’ai aussi senti un grand soulagement en pensant à la liberté qui m’attendait.
Mon partenaire et moi avons demandé de nous établir au Canada, car nous savions que le mariage homosexuel y était légal. Nous avons atterri à l’aéroport de Toronto le jour de la Saint-Valentin en 2012 pour commencer notre nouvelle vie.
La deuxième journée suivant notre arrivée au Canada, un travailleur social et interprète (je ne parlais pas encore anglais) nous a choisis avec quelques autres réfugiés iraniens pour aller ouvrir un compte bancaire. J’ai appris plus tard qu’il nous avait conduits dans un quartier nommé le Village gai à Toronto. J’ai été abasourdi de voir des drapeaux arcs-en-ciel de la Fierté peints dans les rues et sur les trottoirs.
Mais c’est à l’intérieur de la succursale de la TD au coin des rues Church et Wellesley que ma vie a changé pour toujours.
À l’intérieur de la succursale, il y avait encore plus de drapeaux de la Fierté, dont un très grand affiché au mur. Je n’en croyais pas mes yeux de voir ça dans une banque! Je me suis souvenu de la banque où je travaillais en Iran, et de la façon dont je devais me comporter pour entrer dans le moule. Il y avait des drapeaux de la Fierté partout autour de moi, comme celui que j’avais conservé dans mon portefeuille depuis des années. J’étais dépassé et j’ai encore pris une décision instantanée.
J’ai spontanément dit en farsi : « Je veux travailler ici ».
Mon exclamation a fait rire les autres personnes qui nous accompagnaient et qui comprenaient le farsi, car je ne parlais pas un mot d’anglais. Mais j’étais sincère. Ce rendez-vous m’a semblé surréaliste. Même si je ne comprenais pas ce qui était écrit, le symbole du drapeau était suffisant pour me renseigner sur les valeurs de la TD.
Les symboles permettent de communiquer les valeurs d’un milieu de travail
Puis, après avoir mis beaucoup d’efforts pour apprendre l’anglais, j’ai remis mon CV en 2014 dans une succursale et on m’a convoqué en entrevue pour un poste de représentant du Service à la clientèle dans une succursale près de chez moi. Quand la responsable du recrutement m’a dit qu’elle voulait me donner une chance, j’ai pleuré de joie d’avoir la possibilité de travailler de nouveau dans une banque, mais cette fois-ci dans un endroit où j’allais enfin être égal aux autres.
En janvier 2016, j’ai obtenu ma première promotion et j’ai été muté à la succursale au coin des rues Church et Wellesley, où j’ouvre des comptes pour d’autres réfugiés et nouveaux arrivants dans le même bureau où j’ai ouvert mon tout premier compte.
Aujourd’hui, je suis analyste principal en rémunération à la TD et je suis fier que la Banque me donne la chance d’aider les réfugiés dans le cadre d’un programme de mentorat nommé Tent Partnership for Refugees. Ce programme permet de jumeler des employés bénévoles avec des réfugiés afin de les aider à créer des liens d’affaires et à obtenir du mentorat dans leur pays hôte.
Parfois, quand je suis au travail et que je vois le drapeau de la Fierté, je repense à cette vieille image que j’ai conservée dans mon portefeuille toutes ces années. Je me souviens de ce que les couleurs ont signifié pour moi lorsque je les ai vues pour la première fois il y a 25 ans, et ce qu’elles symbolisent encore aujourd’hui.
Si je n’avais pas vu ce drapeau au moment d’ouvrir mon compte à la TD, j’aurais probablement travaillé dans un autre endroit.
Mais en le voyant, j’ai senti que cette entreprise représentait plus pour moi. Ces couleurs m’ont donné de l’espoir, et maintenant, le symbole de ce drapeau communique fièrement des valeurs d’égalité, car je vis et je travaille avec les autres dans l’harmonie et sans crainte.
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