Dans une étude mondiale publiée cette année par Deloitte[i] (en anglais seulement), 40 % des milléniaux interrogés pensent que les entreprises devraient avoir pour objectif l’amélioration de la société. D’ici 2020, les milléniaux représenteront 40 % de tous les consommateurs selon la même étude, et ils généreront des ventes annuelles d’environ 40 milliards de dollars.
Ce désir des entreprises de jouer un rôle plus important dans le changement social surprend à peine, si l’on considère que nous traversons une période trouble sur le plan économique, politique et environnemental et que les marques devront de plus en plus démontrer leur engagement social pour attirer les consommateurs.
Un plus grand nombre d’entreprises font aussi connaître les mesures adoptées dans leur modèle d’affaires pour répondre aux besoins sociaux. Une entreprise est réputée avoir une vocation sociale quand elle trouve des moyens de satisfaire à ces besoins par l’entremise de ses pratiques d’approvisionnement et d’embauche, des services qu’elle offre ou autrement. Mais qu’est-ce qui distingue ces entreprises des autres plus traditionnelles et à quels défis particuliers font-elles face? Nous avons demandé à deux entrepreneurs sociaux de nous parler de leur croissance et de leurs défis et de donner des conseils à ceux qui voudraient suivre leur voie.
Benjamin Sehl (BS) est le cofondateur de Kotn, détaillant de vêtements de Toronto, et Bryan Kinney (BK) est président et fondateur de Gift-a-Green. Kotn est un détaillant et un fabricant de vêtements en coton égyptien de Toronto qui fait affaire directement avec les fournisseurs et qui vend ensuite ses produits directement aux consommateurs. Kotn réinvestit 1 % de chaque vente ainsi que le bénéfice tiré de projets spéciaux (comme son initiative Vendredi fou) dans les collectivités rurales où elle exploite ses activités, en construisant des écoles afin d’améliorer l’alphabétisation et de diminuer le travail et le mariage des enfants.
Gift-a-Green permet aux consommateurs d’envoyer par la poste une carte de souhaits renfermant des semences biologiques de micropousses de chou frisé ou de roquette, par exemple. Le destinataire peut ensuite planter et cultiver les semences, et se régaler des pousses. Tout le long de l’année, Gift-a-Green travaille en partenariat avec divers organismes de bienfaisance au Canada, notamment la Fondation Fais-Un-Vœu, et verse jusqu’à 50 % de ses ventes à des organismes de bienfaisance canadiens.
TD : Parlez-nous de votre entreprise à vocation sociale.
BS : Nous sommes un fabricant et un détaillant de vêtements en coton égyptien qui fait directement affaire avec les fournisseurs et vend directement aux consommateurs. Dans un magasin traditionnel, presque 90 % du prix des vêtements est perçu par les marques, les distributeurs et les détaillants — le reste est ensuite réparti entre plusieurs intervenants, ce qui laisse à peine quelques sous aux agriculteurs. Nous avons lancé Kotn pour remettre en question ce modèle. Nous voulions faire du commerce direct et vendre directement aux consommateurs en utilisant de meilleures méthodes pour fabriquer de meilleurs produits toujours à de bons prix. Nos ventes nous ont permis de financer cinq écoles primaires en Égypte à ce jour, et nous avons réinvesti des centaines de milliers de dollars dans notre chaîne d’approvisionnement. Cet effet d’entraînement a permis de verser une aide financière à presque 700 exploitants de petites plantations de coton, notamment sous forme de subventions privées pour retenir les services de consultants en gestion des engrais et en agriculture.
BK : Nous offrons à nos clients la possibilité d’envoyer par la poste des cartes de souhaits renfermant des semences certifiées biologiques de micropousses de chou frisé et de roquette, par exemple, pour que le destinataire puisse les faire pousser. Pendant l’année, nous travaillons en partenariat avec divers organismes de bienfaisance comme la Fondation Fais-Un-Vœu, et nous versons jusqu’à 50 % de nos ventes à des organismes de bienfaisance canadiens. Nous travaillons aussi avec l’organisme enregistré Community Crew; chaque vente de produit Gift-a-Green contribue à nourrir des enfants vulnérables de leur programme de repas à l’école.
TD : À quels défis avez-vous fait face au moment de créer un modèle d’entreprise à vocation sociale?
BS : À mon avis, ces défis sont souvent systémiques — les solutions [universelles] ne font pas long feu. Il est important d’analyser les enjeux sociaux dans un contexte qui tient compte des variables du système et des éléments sur lesquels vous croyez pouvoir agir et d’établir des objectifs à court, à moyen et à long terme pour obtenir des résultats réalistes (mais pas faciles) pour exercer une influence réelle. Vous devez ensuite répondre de vos actes, par exemple, en engageant des auditeurs tiers et en respectant les exigences des organismes de réglementation pour vous assurer que vous tenez parole. Sinon, il est facile de se concentrer uniquement sur d’autres activités d’exploitation et de croissance.
TD : À votre avis, les propriétaires d’entreprise à vocation sociale ou axée sur le développement durable disposent-ils d’autant de ressources que ceux qui exploitent des entreprises plus traditionnelles? Devez-vous relever des défis particuliers?
BK : Pas autant, mais la situation s’améliore. Il y a quelques années, mon entreprise a été acceptée dans un programme d’accélérateur d’entreprises de Calgary dont l’objectif est de fournir des ressources à des sociétés des secteurs de l’alimentation et des boissons et de la santé et du bien-être. Il y a donc bel et bien des ressources, mais il faut les chercher.
Le coût est le principal [défi] de l’exploitation durable. Heureusement, comme les consommateurs attachent davantage d’importance au développement durable en général, les coûts d’exploitation durable diminuent. À mesure que les consommateurs soutiendront ces types d’entreprises et que les services augmenteront, nous pourrons continuer à élargir notre offre. Par exemple, nous sommes en train de développer un contenant [pour faire pousser nos micropousses] qui est entièrement compostable. C’était impossible à faire de façon économique il y a quelques années.
TD : Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui veulent démarrer une entreprise à vocation sociale?
BS : Il y a plein de gens qui veulent soutenir des entreprises comme la vôtre, alors assurez-vous de les joindre, de leur demander leur avis et leurs conseils et de leur parler efficacement de votre entreprise à vocation sociale pour les intéresser! Demandez l’aide de votre famille, de votre collectivité, des personnes que vous admirez, de tout un chacun, car comme nouveau propriétaire d’entreprise, vous avez besoin de toute l’aide disponible.
BK : Comme propriétaire d’entreprise, on se sent toujours poussé à progresser rapidement, mais il est judicieux d’avancer lentement et de rester fidèle à ses valeurs à mesure que l’on franchit des étapes et de prendre le temps de réseauter. Vous devez suivre votre plan et croire sincèrement en ce que vous faites. Et ne vous inquiétez pas si vous n’êtes pas le premier à franchir la ligne d’arrivée. Les entrepreneurs ne doivent pas oublier qu’il est important de consulter des conseillers en gestion d’entreprise et les organismes de réglementation, de faire des essais et de recueillir les commentaires des consommateurs avant de se lancer. Prenez votre temps, investissez-vous dans votre entreprise et continuez de croire en vous. Si vous y croyez vraiment, tout se passera bien.