Vers minuit, un homme se présente en boitant à l’urgence d’un hôpital du centre-ville. Son pied, probablement infecté, lui fait mal. Fiévreux, il ne peut plus ignorer la douleur.
Avant de se rendre à l’urgence, l’homme – appelons-le Stanley – a laissé ses effets personnels dans une ruelle avoisinante, en espérant les retrouver à son retour. Il vit dans la rue.
Stanley passe quelques nuits à l’hôpital et y reçoit les soins urgents dont il a besoin. Il en sort avec trois ordonnances, des instructions sur le nettoyage de sa plaie et une recommandation pour consulter un spécialiste.
Dans un hôpital ordinaire, l’histoire pourrait se terminer ici. Stanley serait de retour dans la rue à 9 h et chercherait un endroit où dormir quelques heures.
Dépourvu d’un endroit propre, sec ou sécuritaire pour soigner son pied, il reprendrait sous peu le chemin de l’urgence pour y faire traiter une nouvelle infection.
La nuit aurait toutefois pu se dérouler autrement s’il s’était présenté à l’urgence de l’hôpital universitaire St. Michael’s, au centre-ville de Toronto. Grâce à un programme, l’hôpital transforme les soins offerts aux gens comme Stanley.
Lancé en 2019, le programme Navigator de l’hôpital adopte une approche novatrice des soins de santé de première ligne pour aider à éliminer les obstacles qui se dressent devant les personnes en situation d’itinérance et de pauvreté.
« Nous utilisons l’hôpital comme une période de transition pour aider les gens à améliorer à la fois leur santé et leur situation sociale », explique Kate Francombe-Pridham, directrice du programme de recherche au MAP Centre for Urban Health Solutions de l’hôpital St. Michael’s.
La TD a fait don de 2 M$ à la fondation de l’hôpital par l’entremise de La promesse TD Prêts à agir, sa plateforme d’entreprise citoyenne, ce qui contribuera grandement à assurer la poursuite de ce genre de travail.
Répondre aux besoins après l’urgence
Voyons comment la nuit de Stanley aurait pu se dérouler à l’hôpital St. Michael’s.
En attendant le médecin, Stanley aurait vu un travailleur de proximité – aussi appelé une personne pivot – qui lui aurait offert un café et des bas chauds. Cette personne lui aurait posé des questions sur sa situation et demandé s’il reçoit une aide au revenu.
Stanley aurait reçu une dose d’antibiotiques, et pendant ce temps, la personne pivot aurait peut-être appelé des refuges du quartier pour lui trouver un lit.
La nouvelle approche de soins pour les patients en situation d’itinérance commence au service des urgences, et à l’hôpital si le patient est hospitalisé. Ensuite, le suivi se poursuit de trois à six mois après l’hospitalisation, précise Kate Francombe-Pridham.
L’objectif est de se servir du passage à l’hôpital pour améliorer l’accès aux soins dans la collectivité, d’aider les gens en situation d’itinérance à trouver un logement et tenter d’éviter les admissions répétées.
La recherche au Canada a maintes fois montré que le logement a des répercussions directes sur la santé (article en anglais seulement).
Selon l’Association canadienne de la santé publique, l’accès à un logement stable est aussi lié à un meilleur état de santé, dont un nombre d’hospitalisations réduit, des taux de transmission de maladies infectieuses inférieurs et un meilleur bien-être général.
À Toronto, la population en situation d’itinérance se chiffre à 15 000 personnes, et Kate Francombe-Pridham indique que 20 % des gens qui se présentent à l’urgence vivent dans la rue.
« Les hôpitaux de soins actifs ne sont pas nécessairement financés pour offrir des soins communautaires, précise Andrew Longwell », un directeur de campagne de la fondation.
« Nous voulons être l’hôpital qui va à contre-courant, et la fondation nous permet de le faire. »
Revenons à Stanley. Après sa visite à l’urgence et son séjour à l’hôpital, une personne pivot pourrait l’accompagner dans sa recherche d’un fournisseur de soins primaires et d’un logement à plus long terme, et remplir avec lui une demande d’aide au revenu.
Elle pourrait aussi l’aider à en savoir plus sur sa recommandation à un spécialiste et veiller à ce qu’il ait les renseignements nécessaires pour son prochain rendez-vous. Elle irait peut-être même à ce rendez-vous avec lui.
Bien qu’il existe de l’aide à l’hôpital et dans la collectivité pour les gens en situation d’itinérance, les travailleurs de proximité de St. Michael’s sont intégrés à l’équipe clinique, chose rare dans les hôpitaux ontariens, affirme Kate Francombe-Pridham.
« Pour nous, la plus grande différence est que les personnes pivots sont embauchées comme membres du personnel hospitalier », dit-elle.
« Dans ce programme, le personnel hospitalier et les médecins considèrent les travailleurs de proximité comme des membres de l’équipe dès le départ. On élimine ainsi le fossé habituel entre l’hôpital et les services communautaires. »
Jusqu’à maintenant, le programme de Toronto a servi environ 1 000 clients. Deux autres projets pilotes sont en cours dans des hôpitaux de Vancouver et de Montréal, guidés par l’équipe de St. Michael’s.
À long terme, Kate Francombe-Pridham aimerait que tous les hôpitaux des grandes villes canadiennes aient le même programme en place.
Grâce au nouveau financement de la TD, les responsables du programme espèrent offrir les services nécessaires à 800 personnes de plus au cours des 5 prochaines années.
« Le chevauchement des crises du logement abordable, de l’itinérance et de l’accès limité aux soins primaires signifie que certains des membres les plus vulnérables de la société ne reçoivent pas l’aide dont ils ont besoin », affirme Richard Lennon, directeur, Responsabilité sociale, Dons à la TD.
« Un tel don peut aider ces programmes à survivre et donner à un plus grand nombre de personnes l’accès à des soins et des ressources susceptibles de réellement changer leur vie. »
Contenu tiré d’un interview avec l’hôpital St. Michael’s de Toronto