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Par Vivian Abdelmessih
• 27 sept. 2020
vice-prèsident à la direction et chef de la gestion des risques, Services bancaires canadiens

Vivian Abdelmessih
Vice-prèsident à la direction et chef de la gestion des risques
Groupe Banque TD

Quelle année difficile.

Comme beaucoup d’entre nous, j’ai passé la majeure partie de l’été à travailler de la maison tout en essayant de trouver un équilibre entre la carrière et la famille et de filtrer le flot de nouvelles en lien avec la COVID-19. Et, comme pour beaucoup d’entre nous, trouver cet équilibre a été un défi de taille. Malgré tous mes efforts, il est de plus en plus difficile de ne pas lire les titres à la une relatifs à la pandémie, qui me préoccupent personnellement de plus en plus. Comme mes enfants sont retournés à l’école ce mois-ci, je concentrais mes efforts à créer un environnement positif afin de contrer le climat d’incertitude qui plane.

Au début de la pandémie, les journaux parlaient principalement de la propagation du virus, des efforts pour aplatir la courbe, des étagères de papier hygiénique vides, du confinement et des autres mesures sanitaires visant à protéger la santé de nos familles et des collectivités.

Depuis quelques mois, les gros titres ont toutefois changé. Les données émergentes concernant la crise économique à venir – une crise comme nous n’en avons jamais vu depuis la Grande Dépression selon les économistes – tendent à démontrer que les femmes, les communautés noires et les autres groupes sous-représentés sont touchés disproportionnellement.

Certains économistes qualifient déjà le brusque ralentissement économique de « she-cession » (récession des femmes) et craignent que des décennies de gains quant à la présence des femmes sur le marché du travail soient gâchées. En outre, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière le fait que les femmes sont plus à risque de souffrir de perte d’emploi, de pauvreté, d’insécurité alimentaire, de précarité en matière de logement et de violence familiale.

Voilà pourquoi il est essentiel d’investir dans le soutien et le perfectionnement professionnel des femmes alors que nous érigeons les fondations de l’économie de l’après-crise. La relance économique en dépend.

« She-cession », la récession des femmes

La pandémie a amené son lot d’incertitudes pour presque tout le monde, mais la main-d’œuvre féminine est dominante dans les secteurs qui ont été les plus touchés par la COVID-19, dont les secteurs de l’accueil, du commerce de détail et des organismes à but non lucratif.

Considérant que les femmes accomplissent encore aujourd’hui une plus grande partie des tâches ménagères et familiales non rémunérées, les iniquités salariales et l’incertitude entourant les services de garde et les écoles, il n’est pas surprenant que certaines femmes décident de mettre leur carrière en veilleuse pour s’occuper de leur famille.

Selon Statistique Canada, au début de l’assouplissement des restrictions en juin, la reprise à la suite des pertes d’emploi liées à la COVID-19 était plus avancée chez les hommes que chez les femmes. Le taux de femmes canadiennes ne pouvant pas travailler plus d’heures ou pouvant travailler, mais ne trouvant pas d’emploi était aussi plus élevé par rapport aux hommes.

La même étude a révélé un écart grandissant entre la proportion de femmes à l’emploi âgées de 24 à 54 ans ayant des enfants de moins de 18 ans qui travaillent moins de la moitié de leurs heures de travail habituelles et les hommes dans la même situation (14,3 % chez les femmes et 8,7 % chez les hommes).

Les données laissent aussi présager une récession des femmes aux États-Unis. En effet, le Bureau of Labor Statistics a rapporté que le taux de chômage chez les femmes, qui était de 3,1 % en février, a grimpé à 15 % en mai. Les taux de chômage chez les femmes de couleur (16,4 %) et les femmes d’origine hispanique (20,2 %) étaient encore plus élevés. Le taux de chômage chez les hommes était quant à lui de 13 %.

En tant que femme d’origine égyptienne et soudanaise et fille d’une femme ayant été élevée par une mère monoparentale, ces statistiques m’interpellent. Je connais les difficultés silencieuses derrière ces données qui font rage dans les foyers en Amérique du Nord et partout ailleurs.

Je comprends aussi les dynamiques complexes, les inégalités et les préjugés inconscients dont sont victimes les femmes d’horizons divers. Je sais que ce genre d’intersectionnalité (l’interconnectivité entre les catégories sociales comme l’ethnie, le genre et l’orientation sexuelle) exerce une pression accrue sur les femmes et contribuait à limiter leurs possibilités avant même la pandémie.

Femmes dirigeantes à la TD

Le mois dernier, j’ai animé une séance de discussion ouverte virtuelle à titre de présidente du Comité des femmes dirigeantes (CFD). Environ 1 500 de mes collègues de partout en Amérique du Nord se sont joints à notre conversation sur les défis auxquels les femmes font face en cette période sans précédent et les mesures que prend notre entreprise pour y remédier. Une des principales constatations de l’exercice était que ces expériences sont collectives.

La séance nous a permis d’entendre des points de vue remarquables et a servi d’exercice d’écoute qui nous aidera à diriger le CFD de manière éclairée. Nous avons abordé un grand nombre de sujets, mais un aspect que mes collègues ont beaucoup soulevé était le défi de s’occuper des enfants tout en travaillant, notamment lorsque nous n’avons pas accès aux services de garde habituels.

Selon Jennifer Robson, professeure associée en gestion politique à l’université Carleton, les mères canadiennes gagnent 40 % du revenu des ménages. Compte tenu de ce constat, il va sans dire que récupérer cette capacité de revenu est essentiel à une relance économique durable.

Et ce n’est pas tout. Même si la conversation sur la récession des femmes a beaucoup tourné autour des bassins de main-d’œuvre avec des niveaux de revenus et de compétences plus faibles, la réalité est que les travailleuses de tous les niveaux sont touchées. Selon Beata Caranci, économiste en chef de la TD, les femmes aux États-Unis reprennent également plus lentement le travail que les hommes pour les postes mieux rémunérés dans les secteurs de la technologie, des finances, des sciences et des mathématiques.

Le portrait actuel mène à la conclusion qu’une relance économique est impossible sans l’augmentation de la participation des femmes sur le marché du travail. La Commission canadienne des droits de la personne va également en ce sens et presse les gouvernements d’adopter une « approche féministe » dans le cadre de leurs plans de relance sociale et économique.

Investir dans les carrières des femmes

Il est fondamental que les organisations comme la TD investissent dans les perspectives de carrière et le perfectionnement des femmes afin de veiller à ne pas faire marche arrière quant aux progrès accomplis et à alimenter la relance.

Au travail, je me suis souvent retrouvée à être la seule femme ou la seule représente d’un groupe de minorités visibles (ou les deux) dans la pièce. On ne peut nier que les hommes, en particulier les hommes blancs, continuent d’occuper majoritairement les postes d’influence dans de nombreuses grandes entreprises, y compris à la TD. Malgré l’engagement louable de la TD d'atteindre une proportion de femmes de 40 % au Canada au niveau des postes de vice-présidence, nous devons poursuivre nos efforts afin d’atteindre une véritable équité pour toutes les femmes, peu importe leur ethnie ou leur orientation sexuelle.

Voilà pourquoi il est si important que les programmes comme celui du CFD ne concernent pas exclusivement les femmes. Nous devons nous engager globalement envers la diversité et l’inclusion. C’est la raison d’être du programme des alliés du CFD, une initiative visant à solliciter le soutien des hommes de la TD quant aux enjeux liés au genre, à l’équité et à la diversité.

Nous prenons les mesures nécessaires.

Pour favoriser le retour des femmes après une longue période d’absence, nous finançons des programmes comme le programme de retour au travail de la Rotman School of Management. Nous collaborons aussi à l’interne avec les Ressources humaines pour améliorer l’expérience de nos collègues qui prennent des congés autorisés en faisant la promotion des outils et des ressources accessibles et en augmentant la sensibilisation en ce qui concerne les biais implicites associés aux femmes.

Les congés autorisés payés sont aussi importants pour maintenir les effectifs et prévenir la propagation de la COVID-19. C’est pourquoi nos collègues bénéficient d’avantages sociaux leur permettant de rester à la maison au besoin pour prendre soin d’un membre de la famille sans se faire de souci.

Le perfectionnement professionnel des femmes ne consiste pas à leur apprendre comment réussir. Les femmes n’ont pas besoin d’être corrigées. Elles ont besoin d’avoir accès aux mêmes occasions que leurs collègues masculins, particulièrement en ce moment.

Nous devons éliminer les barrières et les préjugés qui empêchent les femmes de briller comme elles le devraient. Nous devons le faire non seulement pour l’équité, mais aussi pour assurer la relance économique.

Notre avenir repose sur notre capacité à agir de la sorte.

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