Par Brian DePratto
Économiste principal
Le 21 novembre, le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a présenté la mise à jour annuelle d’automne des perspectives budgétaires et économiques du gouvernement. Dans les discussions que le ministre a eues avec des dirigeants d’entreprise plus tôt cet automne, la question de la compétitivité s’est retrouvée à l’avant-plan, et le ministre Morneau n’a pas fait la sourde oreille.
La mise à jour annonce la passation en charges immédiate des coûts d’équipement pour un certain nombre de secteurs, jusqu’en 2027. Les calculs du gouvernement suggèrent que le taux d’imposition global moyen des nouveaux investissements des entreprises passera ainsi de 17 % à environ 14 %. Parmi les annonces, notons des mesures incitatives visant à aider les médias, notamment le secteur du journalisme, et des plans visant à augmenter encore davantage les exportations, grâce à des initiatives de divers ministères.
Toutes ces mesures ont un prix. De nouvelles dépenses nettes de 16 milliards de dollars sont prévues, principalement pour des mesures fiscales. Un contexte économique plus favorable que prévu, qui génère d’importantes retombées fiscales, contribuera à régler ces dépenses. La croissance du PIB réel pour 2019 a été révisée à la hausse, à 2,0 %, et un ralentissement est pressenti par la suite. Toutes choses étant égales par ailleurs, cette croissance réduit le déficit de quelque 4 milliards de dollars par année jusqu’à l’exercice 2023-2024, ce qui offre un point de départ pour les annonces du 21 novembre.
Une fois les nouvelles dépenses comptabilisées, le résultat demeure un déficit légèrement inférieur à ce qui était initialement prévu pour l’exercice courant, soit 18,1 milliards de dollars (budget 2018 : 18,8 milliards de dollars), ainsi que des déficits à peine plus importants par la suite. Les déficits pourraient être légèrement supérieurs, mais on s’attend plutôt à ce qu’ils s’amenuisent au fil du temps, de même que le ratio de la dette au PIB.
Le contexte d’investissement au premier plan
Sur le plan des dépenses, il a été surtout question du contexte d’investissement dans cette mise à jour automnale. Des 16 milliards de dollars de répercussions budgétaires prévues d’ici 2023-2024, plus de 14 milliards de dollars peuvent être attribués à des changements fiscaux. La réponse du gouvernement à la réforme fiscale aux États-Unis a pris la forme de deux initiatives majeures.
La première permet aux entreprises d’amortir le coût total du matériel utilisé pour la fabrication de biens et pour la production d’énergie propre, ainsi que des logiciels. Le montant d’amortissement du coût en capital des ordinateurs a également augmenté de façon importante. La deuxième est plus vaste et a pour effet de tripler la vitesse à laquelle les entreprises pourront amortir les investissements en capital exclus de la première initiative.
Les changements susmentionnés entrent en vigueur immédiatement et le demeureront pleinement jusqu’en 2024; par la suite, les mesures incitatives seront réduites progressivement pour revenir à leur niveau précédent à la fin de 2027. Un changement de cette envergure entraîne des coûts importants. Pour l’exercice fiscal 2019-2020, cela se traduit par une augmentation nette du déficit budgétaire de quelque 5 milliards de dollars. Les répercussions diminuent au fil du temps, pour une moyenne d’environ 2,8 milliards de dollars par année pour les cinq prochains exercices. Bien qu’il s’agisse d’une somme importante, elle est néanmoins inférieure à l’estimation du Bureau du directeur parlementaire du budget de 3,5 milliards de dollars par année qui résulterait d’une baisse du taux d’imposition des entreprises de seulement 2 points de pourcentage.
En marge des manchettes, des améliorations
Les modifications au régime fiscal seront vraisemblablement au centre de l’attention aujourd’hui, mais une panoplie de petits changements et de dépenses a aussi été annoncée. Le gouvernement aspire à réduire les obstacles au commerce interprovincial et s’est aussi engagé à accroître de 50 % l’exportation outremer de biens canadiens d’ici 2025, une tâche qui devrait être facilitée par l’accord commercial de Partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP) qui entrera en vigueur à la fin de l’année en cours.
En conclusion
Ces mesures incitatives visant à stimuler les investissements, qui se sont fait attendre plus longtemps que prévu, devraient aider le Canada à être plus concurrentiel. En effet, les mesures du gouvernement sont bien alignées sur ce que nous recommandions avant la mise à jour du 21 novembre. Des mesures fiscales ciblées et temporaires comme celles annoncées aujourd’hui ont l’avantage d’inciter les entreprises à des investissements à un coût fiscal relativement faible, particulièrement si on les compare à des réductions d’impôt à plus grande échelle. Bien qu’il soit difficile d’évaluer immédiatement les répercussions de ces changements, nous croyons qu’ils devraient avoir des effets à tout le moins légèrement positifs pour les investissements des entreprises au Canada à l’avenir. Le gouvernement semble avoir pris l’habitude de dépenser la majeure partie des retombées fiscales (ou la totalité de celles-ci, comme dans le cas présent), et cela n’est guère encourageant. Toutefois, la réponse donnée aujourd’hui aux défis liés à la compétitivité représente une sage utilisation de fonds.