Qui d’entre nous ne connaît pas les drag queens, dont le maquillage et les costumes sont savamment élaborés pour donner naissance à des versions extravagantes de la femme? Mais saviez-vous que le « travestisme » n’est pas l’apanage des seuls hommes et que bien des gens, indépendamment de leur genre ou de leur orientation sexuelle, s’y adonnent?
Moins connus, les drag kings sont des femmes qui s’habillent en hommes, en en exagérant les traits, de façon à incarner et à renverser les stéréotypes masculins.
Durant les récentes festivités de la Fierté qui se sont tenues à Montréal, nous nous sommes entretenus avec Kelly Holzmuller au sujet du personnage qu’elle incarne, Will Charmer, un drag king énergique qui vient donner ses lettres de noblesse à cette forme d’expression à Montréal, et de la façon dont les drag kings apportent une contribution aux communautés célébrant la diversité et l’inclusion.
Q : Qu’est-ce qu’un drag king?
R : Tout simplement le contraire d’une drag queen. Un drag king est habituellement la forme d’expression exagérée d’un homme par une femme. C’est une caricature. Vous pourriez par exemple afficher des abdos en tablette de chocolat ou faire montre d’un comportement macho outrancier.
Q : Quand avez-vous commencé à personnifier un drag king?
R : J’avais 17 ans quand j’ai entendu parler pour la première fois du travestisme. Je venais juste de sortir du placard en tant que lesbienne. Dans la foulée de cette nouvelle acceptation et de cette nouvelle expression de qui j’étais vraiment, j’ai entrepris des recherches. J’ai commencé des démarches pour savoir comment, esthétiquement parlant, je pourrais donner libre cours à ma véritable identité, et j’ai alors pris conscience que mon côté masculin était résolument plus prédominant chez moi. J’ai donc fouillé dans Google pour trouver des trucs sur la façon de vivre en homme sans devoir recourir aux hormones et c’est ainsi que j’ai abouti à des tutoriels sur le maquillage des drag kings pour imprimer un changement subtil à ma figure. J’ai alors compris que je n’avais pas besoin d’entreprendre un processus physique de changement de sexe : je me sentais bien dans mon corps de femme, mais je ressentais le besoin d’exprimer ma masculinité.
Tout au long de ma démarche, j’ai bénéficié de l’aide d’une personne proche, qui m’a parlé du concept de genre fluide. Une fois que je suis parvenue à trouver l’équilibre dans mon expression de genre, j’ai vu les drag kings comme une forme de divertissement artistique que j’ai eu envie d’essayer.
Ma première performance de travestisme remonte à 2017, dans le cadre d’un camp d’entraînement appelé Drag Moi. À l’époque, on voyait rarement des drag kings à Montréal. J’ai donc voulu prouver qu’il en existait un et, ce faisant, j’ai concrétisé mon rêve de donner un spectacle. J’ai adoré chaque seconde de cette expérience.
Q : Pourquoi est-il important que les drag kings soient représentés dans le cadre des festivités de la Fierté?
R : Il est tout aussi important de voir les drag kings représentés à la Fierté que de faire preuve d’inclusion à l’égard de toutes les facettes de la communauté LGBTQ2+. Les drag kings font partie de la communauté travestie, au même titre que toutes les autres formes de travestisme. Comme c’est le cas pour les drag queens, les drag kings peuvent aussi s’élever au rang d’icône pour des personnes à la recherche d’inspiration ou d’acceptation. Le fait de voir quelqu’un incarner un sentiment ou un désir qu’elles éprouvent elles-mêmes, sous l’angle de la pensée positive, de l’amour et du soutien, peut donner à ces personnes la force dont elles ont besoin dans leur démarche visant à se connaître elles-mêmes.
Q : Du point de vue de la diversité, en quoi cette forme d’art est-elle importante?
R : Traditionnellement versé dans la formule bien enracinée des drag queens, le travestisme s’est élevé au rang d’art que tous peuvent pratiquer, indépendamment de leur genre ou de leur orientation sexuelle. Le travestisme nous permet de faire connaître aux gens les divers visages des genres et des orientations sexuelles. Non seulement il véhicule une vision positive, mais il peut aussi démontrer que nous avons tous une grande force intérieure.
Q : Parlez-nous de votre personnage de drag king, Will Charmer.
R : Le nom de Will Charmer joue avec les mots anglais « will charm her ». Will est un conteur doublé d’un artiste qui adore se donner en spectacle, en s’inspirant aussi bien d’Elvis que de Frank Sinatra, Sean Mendes, Freddie Mercury et Bon Jovi.
J’aime le décrire comme la coqueluche de la polyvalente. Il a une confiance absolue en ses charmes physiques et en sa capacité d’attirer les regards de tous ceux et celles qui l’entourent.
Q : Qu’aimeriez-vous apprendre aux gens au sujet des drag kings qu’ils ne connaîtraient pas déjà?
R : Les drag kings n’ont peut-être pas la notoriété des drag queens, mais nous sommes sur un même pied d’égalité. Qu’on soit drag king ou drag queen, le respect et l’amour qu’on a les uns pour les autres donnent à notre communauté les moyens de grandir. Tous, on doit se soutenir et travailler ensemble pour atteindre nos buts, en bannissant de notre communauté toute forme de négativité.
S’il y a une chose que les gens ne doivent jamais perdre de vue au sujet des artistes travestis, c’est que nous sommes des personnes. Et même si, en tant qu’artistes, nous semblons imperméables aux mots et aux gestes, nous aimons être traités avec respect.