Il y a deux étés de cela, Chastity Davis-Alphonse a décidé qu’il était temps de s’attaquer à un projet qui lui tenait à cœur : favoriser la réconciliation entre Canadiens et Premières Nations.
Pour ce projet, Chastity Davis-Alphonse – une femme aux origines mixtes issue des Premières Nations et des Européens et membre de la Première Nation Tla’amin (elle vient également d’épouser une personne de la Nation Tsilhqot’in) – s’est associée à six autres femmes de communautés métisses, inuites et de Premières Nations pour créer un cours de quatre modules comprenant du contenu audio, vidéo et écrit sur l’histoire canadienne racontée du point de vue de femmes autochtones.
Chastity Davis-Alphonse travaillait depuis 15 ans dans le domaine des relations avec les Autochtones, où elle offrait des formations en personne à des entreprises, autorités publiques et organismes à but non lucratif. La création d’un cours en ligne, qui lui a permis d’élargir son audience, était une première pour elle. Il y avait une si grande demande pour son travail qu’elle voulait trouver une manière de l’amplifier tout en faisant connaître le point de vue, le savoir, la sagesse et le vécu des femmes autochtones. Son but était de créer un cours marquant qui pourrait aider les entreprises, les organismes et les individus à en apprendre plus sur les séquelles – passées et présentes – que les événements ayant mené à la création du Canada (dont la création de la Loi sur les Indiens) ont infligées aux membres des communautés autochtones.
Au bout du compte, le cours a servi à préparer et à lancer au printemps dernier un programme d’autoformation en ligne appelé Deyen – An Invitation to Transform. Deyen est un mot tsilhqot’in qui signifie « personne ayant le pouvoir de transformer ».
La numérisation : une démarche couronnée de succès
« L’accueil a été très favorable : nous avons rempli les quatre cohortes du cours en personne, et il nous en fallait plus », explique Chastity Davis-Alphonse depuis sa maison à 150 Mile House, en relatant le succès rencontré par son idée.
« Je me suis rendu compte que je tenais quelque chose, que je pouvais contribuer à transformer les perceptions et suppositions négatives des gens à l’égard des personnes autochtones en leur donnant accès au savoir traditionnel et au vécu des femmes autochtones. Pour que mon initiative prenne de l’ampleur, il fallait que je passe au numérique. »
Avec l’aide des responsables du programme Indigenous Digital Accelerator (IDA) de l’Université Capilano à North Vancouver (en Colombie-Britannique), Deyen a été lancé en avril 2021 sous forme de cours en ligne autodirigé, composé de quatre modules. Chaque module dure environ deux heures et contient des vidéos, des capsules audio, des discussions en groupe et des jeux-questionnaires. En tout, il faut en moyenne 8 à 10 heures, ou environ sept semaines, pour suivre le cours.
Le programme IDA est commandité par La promesse TD Prêts à agir (la plateforme d’entreprise citoyenne de la Banque), dont les fonds ont permis à Chastity Davis-Alphonse de préparer – en collaboration avec deux étudiantes – un plan d’affaires et des ressources promotionnelles, puis de concevoir et d’ouvrir un site d’apprentissage en ligne. Chastity Davis-Alphonse a également travaillé avec INDIGINEXT, un accélérateur d’entreprises de Colombie-Britannique, et fait appel à l’artiste anishinaabe Bridget George pour créer les illustrations du cours.
« Le plus difficile, c’était de financer l’aide dont j’avais besoin, raconte-t-elle. C’est là que sont intervenus le programme IDA et la TD, en me donnant accès à l’aide de deux étudiantes géniales qui ont travaillé avec moi pendant six mois pour concrétiser cette idée. »
Favoriser la réconciliation par la sensibilisation
Chastity Davis-Alphonse espère que son cours aidera ceux et celles qui le suivront à acquérir une connaissance fondamentale de l’histoire canadienne du point de vue des femmes autochtones, en montrant les conséquences qu’ont eues certains événements et choix politiques sur les peuples autochtones.
« La Loi sur les Indiens de 1876, par exemple, comprenait des dispositions qui retiraient le rôle de leader aux femmes des communautés autochtones, alors que la plupart de ces communautés étaient matriarcales, donc avaient une femme à leur tête », explique-t-elle, ajoutant que cette loi a interdit aux femmes de se présenter aux élections pour les postes de chef, ou encore de voter, de 1876 à 1951.
« Dans de nombreuses communautés, ce rôle de gouvernance était traditionnellement transmis de mère en fille, mais cet aspect – et bien d’autres – a changé avec l’imposition des valeurs et des lois eurocatholiques et chrétiennes. C’est entre autres pour ça que je voulais que des femmes puissent raconter comment ces événements et politiques se font encore sentir sur leur communauté. »
Grâce à son expérience de consultante auprès de plus de 125 Premières Nations, entreprises et autorités publiques, à qui elle transmet des connaissances dans un esprit de réconciliation, Chastity Davis-Alphonse s’est rendu compte que l’histoire autochtone du Canada était très méconnue au Canada.
Selon elle, après la découverte de tombes anonymes sur le site d’anciens pensionnats autochtones canadiens, il est encore plus nécessaire de sensibiliser et d’informer.
« Les gens me demandent : “Qu’est-ce que je peux faire?” », raconte-t-elle.
« Je leur réponds qu’ils peuvent se renseigner sur notre histoire, la vraie. Le temps est venu pour les Canadiens d’investir pour apprendre des choses sur ces événements par l’intermédiaire des femmes dont les enfants ont fréquenté ces écoles. »
Chastity Davis-Alphonse affirme que depuis le lancement du cours (payant) en avril, plus de 1 200 personnes s’y sont inscrites, sans publicité ni campagne marketing.
Son prochain objectif? Un million.
« S’il faut convaincre un million de Canadiens un par un, je le ferai », ajoute-t-elle.
« Ce savoir est un point de départ incontournable pour amorcer un dialogue avec une personne autochtone. »