Les femmes sont sous-représentées dans le secteur technologique, même si ce dernier est toujours en croissance au Canada et qu’il est important pour l’économie du pays.
Selon un récent rapport de Services économiques TD, les femmes ont contribué pour 30 % à la croissance des emplois dans les domaines liés aux STIM (sciences, technologies, ingénierie et mathématiques) depuis 2010, mais elles représentent toujours moins du quart des effectifs dans ces secteurs. Des organismes comme #movethedial ont pour objectif de changer cette situation.
Mouvement faisant la promotion de la participation des femmes dans le secteur technologique et de leur accession à des postes de direction, #movethedial organisera son premier Sommet mondial à Toronto le 7 novembre 2018. L’événement vise à inciter à l’action pour que les femmes accèdent à des postes de direction dans le secteur technologique partout dans le monde et à encourager les filles à faire carrière dans les STIM.
Nous nous sommes entretenus avec Jodi Kovitz, fondatrice et chef de la direction de #movethedial, pour connaître ses idées sur le secteur technologique au Canada, sur l’avancement des femmes dans les STIM et sur le Sommet mondial.
Q : Comment vous est venue l’idée de #movethedial?
R : Après mon diplôme universitaire, j’ai décroché mon premier emploi dans une entreprise technologique. J’ai eu une occasion en or de travailler pour des leaders compétents et inspirants, mais j’ai décidé de partir parce qu’il n’y avait aucune femme dans l’équipe de direction qui pourrait me servir de modèle.
Après une carrière de 15 ans comme avocate, l’occasion s’est présentée de devenir chef de la direction d’AceTech Ontario, un organisme à but non lucratif dans le milieu technologique (et dont le nom, depuis a été changé pour Peerscale). À la première rencontre de l’organisme, j’ai remarqué qu’il y avait très peu de femmes dans la salle. Environ à peine 3 % des 130 personnes présentes étaient des femmes, ce qui m’a ouvert les yeux, car en comparaison, dans le domaine du droit, la représentation hommes-femmes est à peu près équilibrée.
Le deuxième moment révélateur pour moi fut quand un ami m’a invitée à participer à une activité en Israël avec le maire de Toronto et un certain nombre de leaders dans le domaine technologique. Pendant le voyage, j’ai rencontré de nombreuses femmes entrepreneurs extraordinaires et je me suis rendu compte qu’il existait un besoin pour un mouvement comme #movethedial pour promouvoir l’avancement des femmes dans les technologies.
Q : Pourquoi est-ce si important pour #movethedial d’attirer plus de femmes et de filles dans les STIM?
R : La sous-représentation des femmes dans les STIM est problématique, et c’est une obligation morale pour nous tous de créer des occasions pour toutes les candidates talentueuses. Nous savons aussi qu’il existe une forte volonté d’assurer une véritable diversité.
Au Canada, par exemple, nous devenons l’un des épicentres de la recherche en intelligence artificielle, qui consiste à programmer les ordinateurs pour apprendre, penser et exécuter des tâches. Toutefois, si les équipes de concepteurs et de leaders qui élaborent les algorithmes d’IA ne sont pas diversifiées, nous ne créerons que des solutions qui tiendront compte d’une fraction de la population. L’amélioration de la diversité est un enjeu majeur maintenant plus que jamais, car les machines apprennent des esprits qui les conçoivent.
Q : Où se situe le Canada par rapport à d’autres pays au chapitre de la présence des femmes dans les STIM?
R : Je crois fermement que la diversité de notre pays et le fait qu’elle soit une valeur fondamentale pour notre gouvernement et nos leaders sont des atouts majeurs. Au Canada, il y a des hommes et des femmes de toutes les origines qui possèdent tous et toutes un bagage distinct et que nous pouvons intégrer dans notre bassin de talents.
Nous avons aussi de nombreuses femmes talentueuses et intéressées qui fondent des entreprises technologiques ou qui changent la donne sur la façon de créer de l’intelligence artificielle et un monde meilleur. Prenez l’exemple de Raquel Urtasun, cofondatrice de l’Institut Vecteur pour l’IA et responsable du programme de voitures sans conducteur Uber de Toronto : elle est la preuve que les femmes peuvent s’affirmer dans ce domaine.
Q : Comment les entreprises, particulièrement les institutions financières, peuvent-elles encourager plus de femmes à investir ce secteur?
R : Nous devons commencer par le début en donnant accès à plus de jeunes au pays à des programmes de STIM. De nombreuses institutions financières canadiennes soutiennent déjà des programmes comme Canada en programmation et Actua qui, tous deux, permettent aux garçons et aux filles de se passionner pour les STIM.
Ensuite, nous devons offrir des occasions pour permettre aux femmes talentueuses travaillant actuellement dans les STIM ou au sein des services technologiques d’entreprises d’établir des réseaux et de nouer des relations sérieuses avec des sommités professionnelles. Nous devons les mettre en relation avec des personnes qui auront la réussite de ces femmes à cœur et qui créeront des occasions pour elles d’être inspirées par d’autres femmes, afin de pousser leur formation et leur perfectionnement.
Enfin, nous devons encourager les femmes à diriger. En incitant les femmes à prendre les devants, à donner leur pleine mesure et à occuper des postes de direction, non seulement nous attirerons plus de femmes talentueuses, mais nous les fidéliserons, les mobiliserons, les aiderons à progresser et leur permettrons de participer en mettant à profit leur capacité de direction.
Q : Quelles sont les expériences les plus marquantes de votre carrière dans un secteur dominé par les hommes?
R : Les expériences les plus marquantes pour moi sont ce que j’aime appeler mes moments #movethedial. Il s’agit de moments où des professionnels ou des commanditaires m’ont fait confiance ou m’ont donné des occasions particulières simplement parce qu’ils croyaient en mes capacités et appuyaient ma vision.
La plus marquante a été au début de la conceptualisation de #movethedial. C’était formidable de pouvoir compter sur un investisseur qui était parfaitement en accord avec mon idée, et qui m’encourage toujours à aller de l’avant et à engager une équipe, et ce, avant même que je sois en position de rallier des commanditaires et des partenaires. C’est extrêmement stimulant et motivant quand on vous dit : « tu dois le faire », « je suis derrière toi », « je crois en toi, en tes capacités et en ta vision » et « j’investis en toi ».
L’appui que nous confère la TD à l’égard de notre vision et de nos objectifs en soutenant le premier Sommet mondial #movethedial et en participant à sa conception restera un autre grand moment indélébile pour moi. Ce sont des moments qui peuvent changer du tout au tout la carrière d’une personne. Pour susciter le changement, rien de mieux que d’offrir des occasions et du soutien et d’ouvrir des portes aux personnes en qui l’on croit.
Q : Quel est le meilleur conseil professionnel que vous ayez reçu?
R : Croire en soi pour réussir. Fondamentalement, tout ce dont vous avez besoin pour réussir est en vous : rien ne peut se mettre en travers de votre chemin. Naturellement, vous avez besoin qu’on vous appuie et qu’on vous offre des occasions de progresser, mais vous devez d’abord croire en vous et croire que vous le méritez.
Q : À quoi peuvent s’attendre les participants au premier Sommet mondial #movethedial en novembre?
R : C’est la première conférence du genre qui se concentre sur l’enjeu stratégique de l’accès des femmes à des postes de direction dans le secteur mondial des technologies et sur la nécessité d’encourager les filles à faire carrière dans les STIM.
Les travaux de la matinée mettront l’accent sur les moyens possibles de #movethedial (faire avancer les choses). Pendant cette séance, nous réunirons des cadres d’expérience et des leaders émergents s’intéressant aux technologies et à l’innovation pour déterminer les meilleures tactiques pour vraiment susciter le changement.
Les séances en après-midi mettront en valeur le parcours #movethedial de dirigeantes qui accomplissent de grandes choses dans le secteur, avec pour objectif d’inspirer toutes les personnes présentes et les encourager à apprendre, à nouer des relations et à progresser ensemble.
Un aspect très intéressant du Sommet sera le volet jeunesse, qui regroupera plus de 300 jeunes talentueux, garçons et filles âgés de 14 à 24 ans. Le matin, nous organiserons une séance externe où ils se familiariseront avec la pensée exponentielle, la littératie numérique, l’informatique quantique et l’IA. En après-midi, ils participeront aux séances prévues afin de pouvoir être inspirés par les conférencières invitées, des modèles du secteur, et se faire une idée de l’avenir que pourrait nous réserver ce dernier.
Pour moi, le Sommet vise à sensibiliser les hommes et les femmes, à célébrer les réalisations et à inspirer, avec pour objectif ultime de susciter l’action. J’espère qu’à la fin du Sommet, les participants seront motivés à faire avancer les choses, ce jour-là, le lendemain, le surlendemain et tous les autres.