Cet article a été publié dans The National Post on 30 juin 2009.
Écrit par Don Drummond.
On s'entend de plus en plus pour dire que la reprise économique mondiale est à nos portes, même si elle avance d'un pas lent et hésitant. Elle devrait toutefois reprendre du poil de la bête tout au long de 2010 et 2011. La question qu'il faudrait commencer à se poser est la suivante : " Qu'arrivera-t-il après? " Cela dépendra en partie des compétences et de la volonté des dirigeants des banques centrales. En effet, ces derniers devront supprimer leurs mesures de stimulation avec une précision chirurgicale - pas trop rapidement pour ne pas nuire à la reprise, mais pas trop lentement pour ne pas attiser la flamme de l'inflation.
Malgré tout, l'économie mondiale présentera encore des dangers. Dans le but d'atténuer la récession, le gouvernement fédéral américain passera d'un rapport dette-PIB aux environs de 40 % à un rapport de 100 % en quelques années, et de nombreux États sont aussi en train d'accumuler d'importants déficits fiscaux. Les États-Unis ne seront probablement pas capables de résoudre correctement ce problème de dette exorbitante. Ils auront de la difficulté à réduire les dépenses ou à augmenter les impôts de façon satisfaisante. Même si on réglementait davantage le secteur financier à l'échelle mondiale, ce genre de déséquilibre pourrait provoquer le prochain cycle économique. Et même si on évite une autre crise, les États-Unis exporteront dans le monde une croissance inférieure, un dollar en dépréciation et des primes sur les rendements obligataires à mesure que la masse inépuisable de la dette déferlera sur les marchés mondiaux.
Le Canada ne peut pas compter sur un coup de pouce économique spontané des États-Unis. La croissance inférieure qu'affiche notre voisin influencera négativement nos perspectives. Nous devrons nous attaquer à nos propres démons économiques. Il faudra tout d'abord juguler la hausse des dépenses publiques afin d'assurer un retour rapide à l'équilibre fiscal. De plus, un effort concerté sera requis pour effacer la plus grande honte économique du Canada - la croissance anémique de sa productivité, car cette croissance constitue le facteur clé du niveau de vie. Or, cette croissance fait piètre figure depuis longtemps au Canada.
Considérons certains faits : le niveau de productivité du Canada est passé de la troisième position des pays de l'OCDE en 1960 à la 15e parmi les 20 nations membres originales, et à la 17e position parmi les 30 nations membres d'aujourd'hui. Depuis la fin des années 1980, tous les pays de l'OCDE sauf deux ont dépassé la croissance de productivité du Canada. Jusqu'à maintenant dans la présente décennie, la production par heure travaillée a connu une croissance moyenne de seulement 1 % au Canada, comparativement à 2,5 % aux États-Unis, laissant ainsi notre niveau de productivité dans le secteur commercial à seulement 73,6 % de celui affiché au sud de la frontière.
À bien des égards, la recette d'une meilleure croissance de productivité est bien connue. Il ne nous manque que la volonté d'agir. Ne me dites pas qu'il est impossible de trouver l'inspiration nécessaire pour nous attaquer à des problèmes tels que les multiples organismes de réglementation des valeurs mobilières; les restrictions s'appliquant à la libre circulation des biens, des services et de la main-d'œuvre au sein de nos propres frontières; la prolifération d'approches environnementales régionales et les programmes d'assurance-emploi et d'assistance sociale qui incitent les gens à ne pas travailler?
Dans certains cas, cela signifie qu'il faudra accélérer le rythme dans les domaines où des mesures ont été amorcées. L'emploi et le revenu deviendront de plus en plus étroitement liés au niveau d'études. Presque tous les nouveaux emplois exigeront une certaine forme d'éducation postsecondaire.
L'avantage pour la personne est évident lorsqu'on sait que le taux de chômage des diplômés universitaires est d'environ la moitié de celui d'une personne détenant un diplôme d'études secondaires et de moins d'un tiers de celui d'une personne n'ayant pas terminé ses études secondaires.
Par ailleurs, le taux de chômage des diplômés universitaires n'a augmenté que de 1,1 point de pourcentage au cours de la présente récession, comparativement à 3,9 points de pourcentage pour les personnes n'ayant pas terminé leurs études secondaires. Nous disposons d'une population instruite, mais le taux de participation à des cours universitaires ne se situe qu'au milieu de celui des pays de l'OCDE et nous ne faisons pas le poids en ce qui concerne les programmes d'études supérieures et commerciales. Nous ne nous efforçons pas assez d'assurer l'accès aux études postsecondaires aux enfants provenant de familles pauvres ou de certaines communautés telles que les Autochtones, une population en rapide croissance. Qui plus est, il ne reste que quelques années avant que l'immigration n'assure toute la croissance nette de la main-d'œuvre canadienne et pourtant nous manquons à nos obligations envers les immigrants et tous les Canadiens en ne parvenant pas à intégrer les nouveaux arrivants dans l'économie canadienne. Même les immigrants qui détiennent un diplôme d'études postsecondaire arrivent tout juste, après cinq ans au Canada, à gagner la moitié du salaire d'un Canadien de souche.
Certains aspects de la question de productivité restent un mystère et nous devons tout mettre en œuvre pour le résoudre. Il est clair que le problème ne découle pas uniquement de la politique du gouvernement. Pourquoi, malgré des crédits d'impôt relativement généreux, les efforts de recherche et de développement du secteur privé sont-ils si faibles? Le Canada se classe au 16e rang des pays de l'OCDE sur le plan de l'intensité de la recherche et du développement des entreprises. Pourquoi, malgré les récentes réductions dans l'imposition du capital, le Canada continue-t-il d'investir si peu dans la machinerie et l'équipement? En moyenne, un travailleur canadien ne dispose que d'un peu plus de la moitié des stocks de machinerie pour travailler que son homologue américain? Il n'est donc pas surprenant que la productivité de la main-d'œuvre soit si basse. L'un des aspects les plus dérangeants de l'actuelle récession est la façon dont les investissements des entreprises ont été touchés. Cela aura pour effet de limiter de façon persistante la croissance de la productivité.
Malgré tous ces défis économiques, le Canada semble avoir un potentiel supérieur à celui de presque toutes les autres nations. Pouvons-nous tirer profit de cette position pour ramener le pays au rang qu'il mérite, soit au sommet pour ce qui est du niveau de vie à l'échelle mondiale? Il faudra un solide leadership de nos décideurs. Toutefois, comme dans le cas des efforts fructueux du Canada pour réduire à néant le déficit fiscal dans les années 1990, une bonne dose de pression publique sera aussi requise.