Cet article a été publié dans The Toronto Star on 9 mars 2010.
Écrit par Don Drummond.
La main-d’œuvre canadienne est l’une des plus culturellement diversifiées et des plus dynamiques au monde. On gagne beaucoup à utiliser le plein potentiel de chaque personne, mais la vitesse fulgurante à laquelle le marché du travail évolue exige de la souplesse de la part des employeurs.
La retraite imminente de la génération des baby-boomers est un phénomène important. Comme plus du tiers de tous les travailleurs s’apprête à prendre sa retraite au cours des deux prochaines décennies ou plus, on assiste à l’un des changements les plus marquants, depuis les 50 dernières années, sur le marché du travail. Les employeurs seront aux prises avec un ralentissement majeur de la croissance de la main-d’œuvre et devront trouver de nouveaux moyens novateurs d’utiliser le bassin de travailleurs actuel du Canada.
À cette fin, il faudra recourir plus efficacement aux immigrants, aux autochtones, aux femmes et aux travailleurs plus âgés, car ces groupes constituent une partie extrêmement grande, quoique sous-représentée, du marché du travail.
Malheureusement, chaque groupe fait face à ses propres défis. Les immigrants, par exemple, éprouvent de grandes difficultés en ce qui concerne la langue et la reconnaissance de leurs qualifications, tandis que les autochtones doivent s’assurer d’atteindre des niveaux de scolarisation plus élevés s’ils veulent éliminer les stéréotypes sociaux et culturels débilitants qui les concernent. Les femmes, quant à elles, n’ont pas réussi à combler l’écart salarial par rapport aux hommes, ni à pénétrer dans les plus hautes sphères de la structure organisationnelle des entreprises. Enfin, les travailleurs plus âgés ont de la difficulté à obtenir des modalités de travail qui les aideront à faire la transition vers la retraite.
En outre, des études supérieures sont absolument requises si on veut avoir les compétences qu’exigeront les futurs emplois, mais des obstacles à l’accès à des établissements d’enseignement postsecondaire continuent d’empêcher les jeunes Canadiens à faible revenu de poursuivre de telles études. L’éducation en est déjà venue à définir la grande démarcation entre ceux qui possèdent richesse et opulence dans la société et ceux qui ne l’ont pas. Les programmes conçus pour éliminer ces obstacles sont principalement utilisés par les familles plus riches. Par ailleurs, ces programmes sont incapables de faire la distinction entre les personnes qui éprouvent de réelles difficultés financières et celles qui n’en n’ont pas.
Cela reflète les ratés du système. Par exemple, le montant versé par le gouvernement à un étudiant se situant dans le quartile de revenu le plus pas n’est que de 925 $ supérieur à celui accordé à un étudiant se trouvant dans le quartile de revenu le plus haut.
Toutefois, ce qui est le plus alarmant, c’est le fait que, en moyenne, les étudiants du quartile de revenu le plus haut reçoivent plus de subventions universelles, dont des crédits d’impôt et d’autres transferts qui ne font aucune distinction entre les situations économiques. De plus, ils reçoivent presque la moitié des fonds donnés en fonction des besoins financiers (subventions, bourses et prêts étudiants) par rapport à ceux qui se trouvent dans le quartile de revenu le plus bas.
Au cours du dernier quart de siècle, l’écart entre les riches et les pauvres s’est constamment accru. Les gains réels avant impôts n’ont augmenté que pour les Canadiens les plus riches, tandis que ceux des personnes à revenu moyen et faible ont soit stagné, soit carrément baissé.
Il en a ainsi résulté que les adultes en âge de travailler sont devenus la population la plus à risque de sombrer dans la pauvreté. Les programmes de transfert tels que la Sécurité de la vieillesse et la Prestation fiscale canadienne pour enfants se sont avérés assez efficaces pour lutter contre la pauvreté chez les personnes âgées et les enfants, mais les deux programmes conçus pour aider les adultes en âge de travailler entre deux emplois, soit le programme d’assurance emploi et les programmes provinciaux d’assistance sociale, sont truffés de problèmes.
Le programme d’assurance emploi a des exigences d’admissibilité si élevées qu’il présente un faible taux de couverture pour les personnes sans emploi, tandis que les programmes d’assistance sociale créent d’importants effets désincitatifs pour la recherche d’un emploi rémunéré. Ces effets peuvent être si grands que le gain d’un revenu d’emploi peut être contrebalancé par la perte d’avantages tels qu’un logement subventionné et des soins médicaux.
De plus, les limites d’actif strictes imposées aux personnes qui reçoivent des prestations les empêchent de se constituer toute forme de coussin contre les fluctuations dans l’emploi et le revenu gagné, ce qui représente un obstacle supplémentaire à ceux qui désirent s’affranchir de cette aide. En Ontario, les célibataires ne sont plus admissibles au programme d’assistance sociale s’ils ont plus de 580 $ en avoirs liquides. Par conséquent, les programmes d’assistance sociale sont des boîtes hermétiques : il est extrêmement difficile d’y entrer, mais pour les personnes qui s’y trouvent déjà, il est encore plus difficile d’en sortir.
Enfin, la nature de l’emploi au Canada aujourd’hui diffère considérablement de ce qu’elle était par le passé. En effet, les secteurs traditionnels tels que la fabrication ont cédé le pas à des secteurs fondés sur les services, tandis que les emplois à temps plein bien rémunérés et assortis d’avantages sociaux et d’un régime de retraite ont été remplacés par des emplois temporaires et contractuels ne comportant aucun avantage social. La portion du régime de retraite offerte par l’employeur diminue rapidement et il incombe de plus en plus au travailleur d’épargner pour sa retraite. Simultanément, un grand nombre de Canadiens n’épargnent pas, ce qui menace la sécurité de revenu des futures générations de retraités.
Les employeurs doivent s’accommoder de ce « nouvel ordre du marché du travail ». Ne pas tenir compte de ces tendances maintenant pourrait entraîner de graves conséquences dans un avenir rapproché.
Prenez en considération les changements dans la disponibilité de main-d’œuvre et la nécessité pour les entreprises canadiennes de mieux utiliser les compétences des travailleurs sous-représentés au Canada.
Il faudra donc un environnement de travail plus inclusif qui s’attaque aux problèmes uniques que doivent surmonter ces groupes. Des cours de langue pour les immigrants et une formation intensive en milieu de travail pour les personnes provenant des bassins de travailleurs non traditionnels seront essentiels. Il faudra également éliminer les stéréotypes relatifs aux cheminements de carrière des femmes et combler l’écart éducationnel entre les sexes. Une plus grande souplesse dans les modalités de travail, tel qu’un plus grand nombre d’emplois à temps partiel ou contractuels, fournira les incitatifs requis pour que les travailleurs plus âgés restent sur le marché de l’emploi.
Ces défis ne doivent cependant pas nous empêcher de voir les occasions qui s’offrent à nous. Notre nation a beaucoup à gagner si nous reconnaissons les tendances qui façonnent le nouvel ordre du marché du travail et que nous nous y adaptons. Aller de l’avant doit constituer un impératif d’affaires.